Le ministère de la Culture admet pour la première fois des artistes étrangers au bénéfice du droit de suite en France

Takesada Matsutani, Sam Francis et Yves Tanguy sont les premiers artistes étrangers à se voir reconnaître la possibilité d’exercer le droit de suite sur leurs œuvres en France. Voici quelques explications.

La France, le forum préféré des artistes ?

Dans le domaine du droit d’auteur, la France est certainement l’un des pays qui protège le mieux les artistes, avec notamment le droit moral, ce qui explique que certains auteurs étrangers choisissent Paris pour faire valoir leurs droits dans des litiges internationaux. C’est ainsi que les héritiers du cinéaste américain John Huston avaient choisi d’assigner en France le producteur qui avait diffusé une nouvelle version colorisée du film Asphalt Jungle alors que Huston avait clairement exprimé son opposition à toute colorisation.

Continuer la lecture

Instauration d’une contribution pour la justice économique : la justice commerciale n’est plus gratuite !

Depuis le 1er janvier 2025, et dans le cadre d’une expérimentation d’une durée de quatre ans, douze tribunaux de commerce ont vu leur compétence étendue pour pouvoir connaître de l’ensemble des procédures amiables et collectives, y compris celles qui relevaient de la compétence des tribunaux judiciaires.

Issue de l’article 26 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, cette expérimentation vise à centraliser l’ensemble des procédures afférant au droit des entreprises en difficulté au sein d’un même tribunal, rebaptisé à cette occasion en tribunal des activités économiques (« TAE »).

C’est toutefois un autre aspect de l’expérimentation qui retiendra ici notre attention, en ce que la loi instaure une obligation, pour les parties saisissant les TAE, de verser une contribution financière auprès du tribunal en début de procédure (la « Contribution pour la Justice Economique » ou « CJE »). 

Continuer la lecture

Révocation du président d’une SAS en violation des stipulations d’un pacte extra-statutaire

Cass. Com., 18 septembre 2024, n° 22-23.075

La société par actions simplifiée (SAS) laisse aux associés une très large liberté d’organisation de son mode de fonctionnement dans le cadre de la rédaction de ses statuts. Les statuts ont une place centrale dans les SAS, ce sont eux notamment qui fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, et ils peuvent préciser, le cas échéant, les modalités et causes de révocation des dirigeants.

Néanmoins, il est fréquent que les modalités de révocation des dirigeants soient également encadrées ou précisées séparément, soit dans un contrat de mandat social conclu entre la société et son dirigeant, soit dans un pacte extra-statutaire entre les associés. Les éventuelles contradictions entre les statuts et ces accords sont source d’un contentieux abondant.

En ce qui concerne les contrats de mandat, la Cour de cassation[1] a récemment tranché : le contrat de mandat ne pouvait venir en contradiction avec les statuts, mais simplement les compléter, le cas échéant. Ainsi, une indemnité de révocation stipulée dans un contrat de mandat est inopposable à la société si les statuts excluent expressément la possibilité du versement d’une telle indemnité.

Continuer la lecture

Quand les SMS professionnels deviennent des preuves disciplinaires : une décision qui retrace les contours de la vie privée

Cass. soc. 11 décembre2024 no 23-20.716 F-B

Les SMS envoyés par un salarié depuis un téléphone professionnel, dès lors qu’ils portent sur son activité professionnelle, ne relèvent pas de sa vie privée et peuvent alors être valablement utilisés par l’employeur dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

L’affaire

Par un arrêt rendu le 11 décembre 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé qu’un licenciement fondé sur des échanges entre salariés via un téléphone mis à disposition par l’employeur pour les besoins du travail, pouvait être justifié du fait que ces échanges comportaient des propos critiques et dénigrants à l’encontre de la direction. La Cour a ainsi rappelé que des SMS envoyés dans ce cadre peuvent valablement fonder une sanction disciplinaire dès lors qu’ils portent sur l’activité professionnelle.

Continuer la lecture

Modification et conversion des actions de préférence en SAS : des précisions inédites et lourdes de conséquences

Dans un arrêt publié au Bulletin (Cass. Com., 10 juillet 2024, n°22-15.836), la chambre commerciale de la Cour de cassation a apporté des précisions inédites sur les modalités de modification des droits attachés aux actions de préférence dans les SAS, auxquelles il convient de porter la plus grande attention.

Contexte de l’arrêt

En l’espèce, l’assemblée générale extraordinaire d’une SAS avait décidé la modification des droits attachés à des actions de préférence, en l’occurrence la réduction du dividende prioritaire prévu.

Deux associés concernés par la modification litigieuse requéraient l’annulation des résolutions d’assemblée, en faisant valoir que leur consentement individuel n’avait pas été recueilli avant la modification et que des titulaires des titres modifiés avaient pris part au vote de l’assemblée en violation de l’article L. 228-15, alinéa 2 du code de commerce, selon lequel « les titulaires d’actions devant être converties en actions de préférence de la catégorie à créer ne peuvent, à peine de nullité de la délibération, prendre part au vote sur la création de cette catégorie ».

Continuer la lecture

La réparation des spoliations de biens culturels sous l’Occupation : un rapport éclairant de la Cour des comptes

« – Récemment, beaucoup de clients comme vous sont venus me voir avec une grande urgence de vendre. Je vous assure que c’est très désagréable pour moi. C’est embarrassant. Et bien souvent, je préférerais ne pas acheter. – Alors n’achetez pas » (Monsieur Klein, Joseph Losey, Alain Delon, 1976).

Les civilistes savent que la « violence » est un vice du consentement, cause de nullité d’un contrat. « Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable » (article 1140 code civil). Il y a le droit, les faits, mais aussi la morale, l’honneur et des consciences qui résistent. Jennifer Lesieur vient de consacrer une monographie à Rose Valland, attachée de conservation au musée du Jeu de Paume pendant l’Occupation, qui a joué un rôle décisif dans la sauvegarde et la restitution de 60 000 œuvres d’art volées par les nazis aux familles juives et institutions publiques (Rose Valland, l’espionne à l’œuvre, Robert Laffont, 2023).

Le récent rapport de la Cour des comptes « La réparation par la France des spoliations de biens culturels entre 1933 et 1945 : restitutions et indemnisations » (septembre 2024) dresse un état des lieux bienvenu. Le contexte historique est tragique, les non-dits et malentendus désastreux, certaines clarifications indispensables. Le travail d’enquête mené par les sages de la rue Cambon auprès de 150 institutions en France (ministère de la culture, principaux établissements culturels nationaux, musées, bibliothèques, services d’archives) et à l’étranger (Allemagne, Suisse, Autriche, Pays-Bas) doit être salué. Le rapport est structuré en quatre chapitres et onze annexes instructives. Citons parmi ces dernières : Les différents modèles de réparation des biens culturels spoliés, en Europe et aux États-Unis ; Les recommandations de la « mission Mattéoli » ; L’affaire des « Rosiers sous l’arbre » (Klimt) restitués par le musée d’Orsay.

Continuer la lecture

Modification de la transposition française de la CSRD par le projet de loi du 31 octobre 2024

Le 31 octobre 2024, un projet de loi[1] adaptant le droit national français au droit de l’UE a été déposé devant l’Assemblée nationale par le gouvernement. Le projet contient notamment des propositions d’adaptation de l’ordonnance du 6 décembre 2023[2] transposant la directive européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité (ci-après la « CSRD »[3]).

Ce projet de loi intervient dans un contexte de forte remise en cause des obligations prévues par la CSRD, aussi bien à l’échelle française (Voir notre article dédié) qu’européenne.[4]

Les modifications proposées sont pour la plupart formelles et permettent notamment de corriger des erreurs de référence, harmoniser certaines dispositions – notamment du Code monétaire et financier et du Code de commerce – avec la CSRD, ou encore de clarifier certaines dispositions transitoires.

Continuer la lecture

La mission de l’auditeur de durabilité : un éclairage bienvenu de la part de la Haute Autorité de l’Audit, à l’heure des premiers rapports de durabilité

La Haute autorité de l’audit (« H2A ») a publié début octobre des lignes directrices à destination des futurs auditeurs de durabilité français. Elles définissent et précisent les attendus dans l’exercice de leur mission de certification auprès des entités assujetties à la Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises[1] (« CSRD »). Un éclairage bienvenu, en attendant la publication de la norme européenne dédiée à l’assurance limitée qui doit être adoptée par la Commission européenne d’ici le 1er octobre 2026.

Les lignes directrices de l’H2A ont un caractère transitoire. Elles ont vocation à s’appliquer aux premiers rapports de durabilité, attendus dès janvier 2025 pour les grandes entreprises cotées,[2] sur la base de l’exercice fiscal 2024.

Pour mémoire, la mission de l’auditeur consiste à vérifier et certifier les informations de durabilité publiées par l’entreprise assujettie à la CSRD, dans le cadre de son rapport de gestion. Les premiers rapports de durabilité feront l’objet d’une assurance dite « limitée » de la part de l’auditeur, pendant une durée minimale de trois ans : il va conclure, le cas échéant, qu’il n’a pas identifié d’erreurs, d’omissions ou d’incohérences importantes dans le rapport de durabilité, susceptibles d’influencer les décisions que pourraient prendre les utilisateurs des informations publiées dans le rapport. Ces conclusions vont donner lieu à l’émission d’un avis.

Continuer la lecture

Projet d’accord de libre-échange UE-Mercosur : commentaires de spécialistes en propriété intellectuelle

Le projet d’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur suscite inquiétudes et polémiques. Sans entrer dans ces débats, nous essaierons ici de décrire aussi objectivement que possible, avec nos lunettes d’avocates spécialisées en propriété intellectuelle, ce que le projet prévoit dans notre domaine.

La question de la protection des droits de propriété intellectuelle est souvent incontournable dans le cadre de la négociation d’alliances commerciales internationales. Il s’agit de discuter de la façon dont le système facilitant les échanges entre plusieurs pays prendra en compte les règles du jeu sur la protection des créations, des inventions, des indications géographiques etc. Ainsi, dans le cadre de l’accord qui a institué l’Organisation Mondiale du Commerce en 1994, les pays membres ont négocié un accord spécifique sur les « ADPIC » (aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce), amendé plusieurs fois depuis.

Le projet d’accord UE-Mercosur ne déroge pas à la règle et consacre tout un chapitre à la propriété intellectuelle. Nous traiterons ici des sous-sections portant sur les indications géographiques, les brevets et les variétés végétales en laissant de côté les droits d’auteur, marques, dessins et modèles et secrets d’affaires pour une éventuelle deuxième publication.

Continuer la lecture

Du Règlement Bois au Règlement Déforestation

Dans un contexte de forte multiplication des réglementations environnementales, dans le prolongement du Pacte Vert pour l’Europe (ou Green Deal), le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 31 mai 2023 un nouveau règlement n°2023-1115 relatif à la déforestation et dégradation des forêts (RDUE). Ce nouveau règlement abroge l’ancien Règlement Bois n°995/2010 (RBUE).

L’objectif de ce nouveau texte est d’assurer une « consommation dans l’Union de produits issus de chaînes d’approvisionnement ‘‘zéro déforestation’’ ». Pour y parvenir, le texte encadre strictement un plus grand nombre de produits que l’ancien règlement qui ne visait que le bois et les produits dérivés de bois. Désormais sont visés sept produits de base : les produits bovins, le cacao, le café, le palmier à huile, le caoutchouc, le soja et le bois ainsi qu’une liste de produits qui contiennent, ont été nourris ou sont fabriqués, à partir de ces produits de base.

Nous vous proposons un focus sur ce sujet à travers deux articles complémentaires :

LexBlog