Sous-cautionnement et devoir de mise en garde : clarification jurisprudentielle

Absence de devoir de mise en garde à la charge de la caution professionnelle envers la sous-caution

Cass. Com. 2 avril 2025, n°23-22.311

L’obligation de mise en garde du créancier professionnel à l’égard de la caution personne physique repose sur la nécessité d’assurer une protection effective à la caution. En effet, la caution peut être exposée au risque d’un engagement disproportionné de l’emprunteur au regard de ses capacités financières.

L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 2 avril 2025 apporte un éclairage sur le régime du devoir de mise en garde du créancier professionnel à l’égard de la caution.

En l’espèce, une banque a accordé un prêt à une société. Afin de garantir le remboursement de ce prêt, une caution professionnelle, personne morale, a consenti un cautionnement au profit de la banque prêteuse. Dans un second temps, une personne physique s’est portée sous-caution pour garantir l’engagement pris par la caution professionnelle.

Le débiteur principal ayant fait défaut, la banque a actionné la caution, laquelle s’est ensuite retournée contre la sous-caution. Cette dernière a alors opposé une exception fondée sur l’absence de mise en garde, soutenant que la caution professionnelle avait manqué à son devoir d’information et de mise en garde relatif au risque d’endettement de l’emprunteur.

Le litige porte donc sur la question de savoir si le devoir de mise en garde s’applique également à l’égard de la sous-caution. Autrement dit, la caution professionnelle est-elle tenue de mettre en garde une personne qui se porte caution non pas directement de l’emprunteur, mais de la caution professionnelle elle-même ?

L’arrêt rendu par la Cour de cassation apporte une réponse à cette interrogation par la distinction entre (I) les créances garanties par la caution et la sous-caution et (II) le créancier professionnel et la caution professionnelle.

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Corners, magasins éphémères, pop-up stores : quel type de contrat conclure afin d’encadrer les mises à disposition temporaires de locaux ?

Qu’il s’agisse d’attirer une nouvelle clientèle, de tester un emplacement, un marché ou un nouveau produit, nombreuses sont les raisons qui poussent les entreprises à rechercher des espaces d’accueil temporaires pour y réaliser leurs projets.

C’est ainsi que fleurissent des « Corners » temporaires au sein de grands magasins, des « Pop-up stores » aussi nommés « Magasins éphémères » le temps d’un évènement, d’une saison ou de quelques mois. L’engouement pour de tels partenariats est de plus en plus grand et nécessite de sécuriser juridiquement l’occupation.  

Les bailleurs trouvent également un intérêt avec ce type d’occupation qui leur permet d’accroître la rentabilité de leur local sans engagement sur la durée. Habitués au traditionnel (et engageant) « bail commercial » encadrant les relations à long terme dans leurs locaux avec les preneurs à bail, les bailleurs sont parfois démunis sur le type de contrat à proposer aux opérateurs désireux de s’installer temporairement dans leurs locaux et/ou de manière partagée.

En l’état actuel de la législation, il n’existe pas de type de contrat parfaitement adapté à ces situations, ce qui rend la tâche d’autant plus complexe pour les opérateurs.

Dans ce contexte, il est proposé une revue des contrats encadrés par la loi et de leurs particularités au regard de ce type d’occupation.

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Les lignes directrices sur les pratiques interdites en matière d’IA : décryptage du Règlement sur l’IA

Traduction par Stephanie Faber de l’article The European Commission’s Guidance on Prohibited AI Practices: Unraveling the AI Act écrit par Bartolomé Martin

La Commission européenne a publié, le 4 février 2025, les très attendues Lignes Directrices sur les Pratiques jugées Inacceptables en matière d’Intelligence Artificielle (IA) « LDPIIA » – qui à la date de cet article ne sont disponibles qu’en langue anglaise Commission Guidelines on prohibited artificial intelligence practices established by Regulation (EU) 2024/1689 (AI Act). Cette publication est intervenue deux jours après l’entrée en vigueur des articles du Règlement sur l’IA (règlement (UE) 2024/1689) « RIA » relatifs à ces pratiques et en parallèle des lignes directrices de la Commission sur la définition d’un système d’intelligence artificielle[1].

Il est appréciable que, tout en clarifiant la portée des pratiques interdites (ainsi que celles exclues de son champ d’application matériel), les LDPIIA abordent également des aspects plus généraux du RIA, offrant ainsi une sécurité juridique aux autorités, fournisseurs et déployeurs de systèmes ou de modèles d’IA dans l’application du texte.

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Proposition Omnibus : les points clés à retenir et les prochaines étapes

Quels sont les enjeux ?

Le 26 février 2025, la Commission européenne adoptait de nouvelles propositions visant à faciliter la mise en œuvre des règles de durabilité pour les entreprises. Plusieurs textes étaient concernés :

  • la Corporate Sustainability Reporting Directive (« CSRD »), qui régit les règles relatives aux informations de durabilité publiées par les entreprises au sein de l’Union européenne,
  • la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (« CS3D »), établissant un devoir de vigilance en matière de durabilité à la charge des entreprises,
  • le Règlement Taxonomie,
  • et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Cet article se concentre sur les mesures de simplifications concernant la CSRD et la CS3D. L’initiative Omnibus comprend deux enjeux principaux relatifs à ces textes :

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RGPD : première décision d’adéquation pour une organisation internationale, l’Office européen des brevets (OEB)

À la demande de la Commission européenne, le CEPD (en anglais EDPB) a adopté un avis sur le projet de décision d’adéquation de la Commission européenne au titre du RGPD concernant l’Organisation européenne des brevets (OEB). 

Au titre de l’article 45 du RGPD, une décision d’adéquation a pour effet que les données personnelles peuvent circuler librement de l’Union européenne vers ce pays tiers ou cette organisation internationale.

Une fois formellement adoptée par la Commission, il s’agira de la première décision d’adéquation concernant une organisation internationale et non un pays ou une région.

L’Office européen des brevets (OEB) créé en 1977, examine les demandes de brevet européen et permet ainsi aux inventeurs, chercheurs et entreprises du monde entier de protéger leurs inventions dans 46 pays grâce à une seule demande, traitée selon une procédure centralisée et uniforme.

Dans son avis, le CEPD note avec satisfaction que le cadre de protection des données de l’OEB est largement aligné sur le cadre de protection des données de l’Union européenne, y compris en ce qui concerne les droits et principes en matière de protection des données.

RGPD : prolongement de 6 mois de la décision d’adéquation du Royaume-Uni

A la demande de la Commission européenne le CEPD (en anglais EDPB) a adopté un avis sur la proposition de la Commission européenne visant à prolonger la validité des décisions d’adéquation du Royaume-Uni au titre du RGPD et de la directive police justice.

Étant donné que la réforme de la protection des données du Royaume-Uni est toujours en cours au Parlement britannique, le CEPD reconnaît la nécessité d’une prorogation technique et limitée dans le temps des décisions d’adéquation (qui devaient prendre fin le 27 juin 2025) jusqu’au 27 décembre 2025.

L’avis concerne uniquement une prolongation de six mois.  La Commission ne peut pas aborder le niveau de protection des données personnelles au Royaume tant que le nouveau cadre juridique britannique n’a pas été adopté. 

Le CEPD rappelle la validité de ses avis 14/2021 et 15/2021 sur les deux décisions d’adéquation du Royaume-Uni, adoptées en avril 2021, et invite la Commission européenne à en tenir compte dans ses futures évaluations. 

Le comité rappelle également l’obligation de la Commission de suivre toutes les évolutions pertinentes au Royaume-Uni au cours de la période de prolongation.

L’IA et la contrefaçon de droits d’auteur : des juges allemands et américains prennent position

Dans un précédent post, nous nous sommes penchées sur la définition de l’intelligence artificielle pour souligner que quelle que soit sa finalité, générative, prédictive ou autre, l’IA a besoin de se nourrir d’une quantité énorme de données. Lorsque ces données sont des œuvres protégées par le droit d’auteur, se pose la question de savoir si cette utilisation des œuvres par l’IA est constitutive de contrefaçon, avec les conséquences importantes qui en découlent : les auteurs des œuvres « ingérées » par ce Gargantua technologique doivent-ils donner leur consentement et ont-ils droit à une rémunération ?

En France, aucun juge n’a encore, à notre connaissance, statué sur cette question mais on peut tenter de tirer des enseignements de premières décisions rendues à l’étranger, notamment en Allemagne et aux États-Unis.

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La clause de « buy or sell » : validité et conditions de mise en œuvre

Cass.com 12 février 2025 n°23-16.290

Intégrée dans certains pactes d’associés, la clause d’offre alternative ou de « buy or sell » a pour ambition de permettre de résoudre des situations persistantes de conflit ou de blocage entre associés en organisant la sortie de l’un au moyen du rachat de ses titres par l’autre.

Par le biais de ce mécanisme, l’associé initiateur s’engage à céder ses titres à l’associé bénéficiaire selon des modalités dont les contours auront été préalablement arrêtés dans la clause. L’associé bénéficiaire dispose alors de la faculté d’acquérir les titres aux conditions proposées et, à défaut, est contraint de céder ses propres titres à l’associé initiateur aux mêmes conditions, qui s’oblige dans une telle situation à les acquérir.

Compte-tenu du contexte dans lequel intervient sa mise en œuvre, cette clause se trouve paradoxalement être elle-même régulièrement source de conflit entre les parties, en particulier s’agissant de ses conditions de déclenchement et des paramètres de fixation du prix de cession, ce qui nécessite de redoubler de vigilance lors de sa rédaction.

Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 février 2025 [1] illustre à nouveau ces difficultés à l’occasion d’un litige impliquant deux associés d’une SARL ayant conclu un pacte d’associés contenant une clause de « buy or sell » quant à l’exécution de celle-ci.

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LBO et gestion de fait des créanciers, nouvelle clarification

Exclusion de la qualité de dirigeant de fait des banques et légitimité du contrôle sur le financement octroyé

Dans le cadre des opérations de financement, en particulier dans le contexte des acquisitions par effet de levier (LBO), les prêteurs intègrent des clauses restrictives dans les contrats de prêt afin de sécuriser leur créance et de prévenir tout comportement risqué de l’emprunteur. Ces clauses peuvent inclure des limitations sur les investissements, l’interdiction de contracter de nouveaux emprunts (et les sûretés et garanties relatives) sans autorisation préalable, la restriction des cessions d’actifs au-delà d’un certain seuil, ou encore l’interdiction de modifier l’activité de l’entreprise. Bien que ces stipulations visent à protéger les intérêts financiers des créanciers, elles soulèvent une problématique juridique majeure qui peut donner lieu à de multiples contentieux : quels critères peuvent engendrer une requalification pour les créanciers en dirigeants de fait[1], et ainsi engager leur responsabilité pour insuffisance d’actif en cas de défaillance de l’entreprise au sens de l’article L. 651-2 du Code de commerce[2] ?

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Contrôle des concentrations : votre opération sous les seuils pourrait ne pas passer sous les radars !

Tirant les conséquences de l’arrêt Illumina/Grail rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en septembre dernier[1], l’Autorité de la Concurrence (ADLC ou Autorité) a ouvert le 14 janvier 2025 une consultation publique – close depuis le 16 février 2025 – afin d’identifier les moyens existants et/ou nécessaires pour s’assurer que les concentrations n’atteignant pas les seuils et dès lors non soumises à notification préalable, ne portent pas atteinte à la concurrence sur le territoire français.

Après un bref rappel de la jurisprudence Illumina/Grail, nous reviendrons sur les propositions de l’ADLC visant à réformer ses modalités d’intervention sur les concentrations situées aujourd’hui sous les seuils, ainsi que sur l’actualité européenne en la matière.

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