Cass. Com., 22 janv. 2020, n°18-19.526

En cas de procédure collective, les créanciers de la société en difficulté doivent déclarer leur créance au passif de cette dernière afin de pouvoir faire valoir leurs droits dans l’hypothèse où il y aurait suffisamment d’actifs pour désintéresser les créanciers.

Faute pour eux de déclarer leurs créances dans les délais impartis, ils s’exposent, en vertu de l’article L.622-26 du Code de commerce, et sauf relevé de forclusion, à l’inopposabilité de leurs créances à la procédure collective. Dans cette hypothèse, le Code de commerce prévoit que la caution ne peut se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée au passif : « les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne bénéficient pas de l’inopposabilité prévue au deuxième alinéa de l’article L. 622-26… » (Article L.631-14).

La jurisprudence a pu préciser certains cas dans lesquels la caution pouvait tout de même se prévaloir du défaut de déclaration de créance au passif du débiteur en procédure collective (par exemple si la caution avait pu tirer un avantage effectif du droit d’être admise dans les répartitions et dividendes, susceptibles de lui être transmis par subrogation (voir notamment Cass. Com., 19 février 2013, , n° 11-28.423  ; Cass. Com., 12 juillet 2011, n°09-71.113).

Si le sort de la caution en cas d’inopposabilité pour défaut de déclaration est prévu par le Code, ce n’est pas le cas lorsque l’irrecevabilité de la déclaration de créance est constatée. Il se peut en effet que les créances déclarées auprès de la procédure collective fassent l’objet de contestations. Dans ce cas, le juge commissaire est chargé de trancher sur la recevabilité de la déclaration de créance.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 22 janvier 2020, vient clarifier à nouveau la situation de la caution du débiteur en cas d’irrecevabilité de la déclaration de créance décidée par le juge commissaire.

Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a cassé la décision de la Cour d’appel qui avait considéré que « l’irrecevabilité de la déclaration de créance, qui n’entraîne plus l’extinction de la créance, laisse subsister l’obligation de la caution, de sorte que l’arrêt de condamnation, qui est devenu irrévocable, ne peut plus être remis en cause ».

La Cour rappelle que « la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, son extinction ». Conséquence logique, la Cour considère que « la décision de condamnation de la caution à exécuter son engagement, serait-elle passé en force de chose jugée, ne fait pas obstacle à ce que la caution puisse opposer l’extinction de la créance garantie pour une cause postérieure à cette décision ».

Ainsi, la Cour de cassation précise, qu’en cas d’irrecevabilité de la déclaration de créance constatée par le juge commissaire, la caution est libérée de son engagement envers le créancier dont la créance est considérée comme éteinte.

La Cour avait déjà été amenée à opérer une telle distinction entre la créance inopposable pour défaut de déclaration et la créance éteinte pour irrecevabilité. En effet, elle avait déjà considéré que le rejet de la déclaration de créance par le juge commissaire entrainait l’extinction de la sureté qui y était attachée « l’article L. 624-2 du code de commerce, qui prévoit que le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence, ne distingue pas entre les différents motifs de rejet d’une créance déclarée, de sorte que la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est, au sens du texte précité, une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, l’extinction de la sûreté qui la garantissait, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass. Com., 4 mai 2017, n°15-24854).

Si la position de la Cour ne peut être considérée comme acquise, elle pourra permettre à certaines cautions, dans l’intervalle, d’invoquer de nouveaux arguments pour tenter de se libérer de leurs engagements vis-à-vis des créanciers.

 

Cet article a été rédigé par Laure Perrin