Cass. Com., 25 mars 2014, n°12-29.534
L’article L 442-6, I 5° du Code de commerce, initialement conçu pour encadrer les pratiques restrictives de concurrence, alimente un contentieux fourni de la rupture brutale et abusive des relations commerciales. Ce contentieux prend en outre une dimension internationale.
Aux termes de cet article, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».
L’arrêt rendu le 25 mars dernier par la Cour de cassation illustre la portée de ce texte dans le cadre d’une rupture de contrat de dimension internationale.
En l’espèce, il s’agissait d’une société de droit chilien, FGM, qui distribuait depuis 1991 des parfums et des produits cosmétiques de la société Guerlain au Chili. Les deux sociétés avaient ensuite conclu en 1999 un contrat de distribution d’une durée de 3 ans, renouvelable pour une durée indéterminée. Le 23 mai 2003, Guerlain a notifié la rupture immédiate du contrat de distribution. Considérant la rupture brutale et abusive et reprochant divers manquements relatifs notamment à la clause d’exclusivité, la société chilienne a assigné son partenaire, Guerlain, en réparation des préjudices subis sur le fondement de l’article L 442-6, I 5° du Code de commerce. Guerlain soutenant pour sa part que ce texte était inapplicable à FGM compte tenu de la survenance du dommage au Chili et non sur le territoire français.
Dans l’arrêt du 25 mars 2014, la Cour de cassation rappelle que l’action en justice résultant de l’article L 442-6, I 5° du Code de commerce est de nature délictuelle (elle ne vise en effet à sanctionner que la brutalité de la rupture et non le préjudice causé par la rupture elle-même). En conséquence, conformément au droit international privé français, la loi applicable à la responsabilité extracontractuelle « est celle de l’État du lieu où le fait dommageable s’est produit et que ce lieu s’entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que de celui du lieu de réalisation de ce dernier ».
L’arrêt précise qu’en cas de délit complexe, où le fait générateur (en l’occurrence en France) et le dommage qui en résulte (au Chili) sont dissociables, il convient de rechercher la loi « présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable ».
En l’espèce, la Cour retient que ces liens résultent de la relation contractuelle de plus de douze ans entre les parties et de la formalisation de cette relation par un contrat conclu à Paris, qui désignait l’application du droit français et la compétence des juridictions française. La Cour a considéré ces éléments comme suffisant pour localiser le fait dommageable en France et ainsi admettre la demande de dommages et intérêts de la société chilienne pour rupture abusive des relations commerciales fondée sur l’article L 442-6, I 5° du Code de commerce.