Le 31 octobre 2024, un projet de loi[1] adaptant le droit national français au droit de l’UE a été déposé devant l’Assemblée nationale par le gouvernement. Le projet contient notamment des propositions d’adaptation de l’ordonnance du 6 décembre 2023[2] transposant la directive européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité (ci-après la « CSRD »[3]).
Ce projet de loi intervient dans un contexte de forte remise en cause des obligations prévues par la CSRD, aussi bien à l’échelle française (Voir notre article dédié) qu’européenne.[4]
Les modifications proposées sont pour la plupart formelles et permettent notamment de corriger des erreurs de référence, harmoniser certaines dispositions – notamment du Code monétaire et financier et du Code de commerce – avec la CSRD, ou encore de clarifier certaines dispositions transitoires.
Le projet de loi prévoit également d’autres modifications notamment :
- Pour les entreprises assujetties à l’obligation d’établir un bilan de gaz à effet de serre[5], elles pourront désormais opter pour une publication de cette information au sein du rapport de durabilité, conformément aux exigences de la directive CSRD[6] et aux normes ESRS[7], dès lors que ce rapport inclut les descriptions spécifiques aux activités exercées sur le territoire national[8].
- L’application de la procédure de sanction simplifiée[9] de la Haute Autorité de l’Audit serait étendue[10] à l’ensemble des auditeurs de durabilité, dès lors que ceux-ci ont manqué à leur obligation de formation continue ou à leurs obligations déclaratives[11].
- Le périmètre d’exemption de publication d’information en matière de durabilité serait étendu à toutes sociétés contrôlées, sans distinction de forme sociale.
En effet, le projet de loi prévoit de remplacer la référence aux « sociétés » consolidantes au sens de l’article L233-16 du Code de commerce, qui renvoie aux sociétés commerciales, par la notion plus large d’« entreprise » consolidante. La référence actuelle limite de fait le champ de l’exemption aux sociétés commerciales tandis que la CSRD[12] n’établit aucune distinction entre les formes sociales de ces sociétés. - La durée dérogatoire au droit commun de six ans[13], concernant le premier mandat de certification des informations de durabilité, s’appliquerait lorsque la société choisit de nommer plusieurs commissaires aux comptes ou auditeurs de durabilité.
- Les commissaires aux comptes et organismes tiers indépendants auraient la possibilité d’exercer leur profession simultanément au sein de deux sociétés, à condition qu’au moins la moitié des associés ou actionnaires soient communs.[14]
Le gouvernement a engagé une procédure accélérée sur ce projet de loi, les commissions du développement durable et de l’aménagement du territoire, des finances, commission des lois et des affaires économiques ont été saisis pour avis. L’examen de ce texte en séance publique devait débuter en décembre 2024. A l’issue de la première lecture par l’Assemblée nationale, le texte sera examiné par le Sénat dans les quinze jours suivants sa transmission par l’Assemblée nationale.
[1] Projet de loi n°529 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, n° 529, déposé le jeudi 31 octobre 2024.
[2] Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales
[3] Corporate sustainability reporting Directive (EU) 2022/2464 of 14 December 2022
[4] Le premier ministre Michel Barnier et Antoine Armand, ministre de l’Economie et des Finances sollicitent un allègement des standards de publication exigés par la directive et souhaitent repousser l’entrée en vigueur de cette réglementation jugée trop contraignante. De même, la présidente de la Commission européenne a confié au vice-président exécutif la mission d’alléger les charges administratives de la CSRD « Reporting extra-financier : la directive CSRD à nouveau en danger », Laurence Boisseau, Les Echos, 6 novembre 2024
[5] Obligations prévue par l’article L. 229 25 du Code de l’environnement
[6] Directive européenne (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD – Corporate sustainability reporting directive) transposée en France par l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023. Voir notre article.
[7] Règlement délégué (UE) 2023/2772 de la Commission du 31 juillet 2023 complétant la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les normes d’information en matière de durabilité (ESRS – « European Sustainability Reporting Standard »)
[8] Article 9 du projet de loi
[9] Cette procédure est prévue en cas de manquement aux obligations déclaratives prévues l’article R.820-20 du Code de commerce et à l’obligation de formation continue.
[10] Article 7 du projet de loi visant la procédure prévue par l’article L. 822-38 du Code de commerce. L’obligation de formation continue est prévue par l’article L.821-24 du Code de commerce pour les commissaires aux comptes.
[11] Il s’agit de déclarations prévues par les dispositions réglementaires du Code de commerce – notamment l’article R.821-221 – qui concernent les honoraires facturés ou l’absence de situation de conflit d’intérêt.
[12] L’article 7 du projet de loi modifie les articles L. 232-6-3 et L. 233-28-4 du Code de commerce afin d’être conforme aux dispositions de la CSRD ne prévoyant pas que l’exemption de publication des informations de durabilité concerne uniquement les sociétés contrôlées par une société consolidante.
[13] La durée de droit commun du premier mandat de certification des informations de durabilité est de six exercices en vertu des articles L.821-44 et L.822-20 du Code de commerce. Une règle dérogatoire est prévue à l’article 38 de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023. L’article 12 du projet de loi étend l’application de cette règle dérogatoire.
[14] Cette nouvelle prévision s’insérerait dans la continuité du quatrième alinéa de l’article L.821-25 du Code de commerce dérogeant au premier alinéa selon lequel les commissaires aux comptes ne peuvent exercer leur profession « qu’au sein d’une seule société de commissaires aux comptes. » Il en va de même pour l’article L.822-6 selon lequel « Un auditeur des informations en matière de durabilité ne peut exercer cette mission qu’au nom d’un seul organisme tiers indépendant dont il est associé, actionnaire, dirigeant, ou salarié. » L’article 7 du projet de loi étend donc les possibilités d’exercice de la mission de certification par les auditeurs de durabilité.