Loi de finances rectificative pour 2020 (n° 2020-289, du 23 mars 2020)
Arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2020
La loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020 (la « Loi »), promulguée le 23 mars 2020, vise notamment à permettre aux entreprises françaises de faire face à la crise économique liée à la crise sanitaire en cours et à préserver la continuité de l’activité économique et la pérennité des emplois.
La Loi, qui fait suite aux annonces du Ministre de l’Economie et des Finances relatives au renforcement du dispositif de soutien au financement des entreprises[1], a été adoptée en une semaine compte tenu de l’urgence de la situation. . Le projet de Loi avait, en effet, été présenté au Conseil des ministres le 18 mars dernier avant d’être transmis au Parlement ce même jour. Or, après avoir été adoptée avec modifications par l’Assemblée Nationale, puis définitivement adoptée par le Sénat sans changements, la Loi est finalement entrée en vigueur le 25 mars 2020.
Ce dispositif visant à renforcer la trésorerie des entreprises repose sur 3 mesures principales.
1/ Une garantie exceptionnelle de l’Etat à hauteur de 300 milliards d’euros pour les prêts aux entreprises
L’article 6 de la Loi prévoit la mise en place d’une garantie de l’Etat, dans la limite d’un montant global de 300 milliards d’euros (en principal, intérêts et accessoires), pour tous les nouveaux prêts octroyés par les établissements de crédit et les sociétés de financement entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020 à des entreprises non financières immatriculées en France.
Ces garanties seront émises et gérées par Bpifrance Financement SA au nom et pour le compte de l’Etat, mais également sous son contrôle, dans des conditions qui seront fixées par décret.
Les conditions que doivent satisfaire les prêts pour bénéficier du dispositif, la liste des entreprises éligibles ainsi que les caractéristiques de la garantie sont précisées par l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l’article 6 de la Loi (l’« Arrêté »).
Concernant les prêts :
- les prêts doivent prévoir un différé d’amortissement minimal de douze mois, ainsi que la faculté pour l’emprunteur, à l’issue de la première année, de choisir de les amortir sur une période additionnelle. L’Arrêté indique que le nombre maximal d’années pour étaler les remboursements peut aller jusqu’à 5 ans ;
- les prêts ne doivent être assortis d’aucune autre garantie ou sûreté. A noter que le dossier de presse relatif à ce dispositif de garantie par l’EtatX[2], indique que cette exigence ne s’applique pas aux prêts octroyés à des entreprises qui, en France, emploient plus de 5 000 salariés ou réalisent plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, lesquels pourraient être garantis par une sûreté additionnelle. Toutefois, cette précision n’est pas reflétée dans l’Arrêté qui n’effectue à ce sujet aucune distinction selon que les prêts sont consentis ou non à des entreprises excédant ces seuils ;
- le total des concours apportés à l’entreprise à la date d’octroi du prêt couvert par la garantie n’a pas diminué par rapport à son niveau au 16 mars 2020. Le texte prend en compte les éventuelles réductions intervenues entre ces deux dates qui pourraient résulter de remboursements effectués conformément aux termes du contrat avant le 16 mars 2020 ou d’une décision de l’emprunteur de rembourser de manière anticipée ; et
- les contrats de prêt peuvent contenir une clause de remboursement anticipé obligatoire en cas de non-respect des conditions posées par l’Arrêté imputable à l’emprunteur, notamment en raison de la fourniture intentionnelle par l’emprunteur d’une information erronée à un prêteur et/ou à Bpifrance Financement SA.
S’agissant des entreprises éligibles :
- le dispositif bénéficie aux entreprises personnes morales ou physiques[3] (en ce compris les associations et fondations) ayant une activité économique[4] et inscrites au répertoire Sirene, à l’exception toutefois des sociétés civiles immobilières et de celles qui font l’objet d’une procédure collective ; et
- seuls sont couverts les prêts consentis à une même entreprise dont le montant total n’excède pas les plafonds suivants :
- pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019, la masse salariale estimée sur les deux premières années d’activité ; et
- pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019, 25% du chiffre d’affaires constaté en 2019 ou le cas échéant, celui de la dernière année disponible[5].
Critères liés à la garantie :
- la garantie est automatique. Il suffira d’une simple notification du prêteur à Bpifrance Financement SA, dès lors que les prêts rempliront les conditions prévues par la Loi et l’Arrêté. En revanche, la décision d’octroi d’une garantie pour les crédits accordés à des entreprises de plus de 4 999 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 1,5 milliard d’euros sera prise, au cas par cas, par arrêté du Ministre chargé de l’Economie. Ces seuils étant appréciés à la date du dernier exercice clos ou, cas fort peu probable compte tenu des montants, au 16 mars 2020 pour les entreprises n’ayant jamais clôturé d’exercice ;
- la garantie est rémunérée en fonction de la durée du prêt et de la taille de l’entreprise concernée selon le barème suivant :
- pour les entreprises qui lors du dernier exercice clos, emploient plus de 250 salariés, ou ont un chiffre d’affaires qui excède 50 millions d’euros ou un total de bilan supérieur à 43 millions d’euros, la prime de garantie pour la première année est fixée à un montant équivalent à 0,50% (que l’on suppose être le montant du prêt restant dû) et dans l’hypothèse où l’emprunteur choisit de rembourser sur une période additionnelle, ce pourcentage sera de 1% pour les première et deuxième années supplémentaires, et de 2% pour les trois années suivantes ; et
- pour les autres entreprises, la rémunération pour la première année est fixée à 0,25% (que l’on suppose du montant du prêt restant dû) et en cas de remboursement sur une période additionnelle, de 0,50% pour les première et deuxième années supplémentaires et de 1% pour les trois années suivantes ;
- la garantie ne sera acquise qu’après un délai de carence de deux mois à compter du décaissement du prêt. Elle ne pourra donc pas être appelée avant l’expiration de ce délai ; et
- seul un pourcentage du montant du prêt sera couvert par la garantie :
- 90% pour les entreprises qui, lors du dernier exercice clos, emploient en France moins de 5 000 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros ;
- 80% pour les entreprises qui, lors du dernier exercice clos, réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros et inférieur à 5 milliards d’euros ; et
- 70% pour les autres entreprises ;
Ces pourcentages s’appliquent après avoir tenu compte de l’exercice par le prêteur de toutes les voies de droit amiable et judiciaires (en ce compris, l’ouverture d’une procédure collective) à l’encontre de l’emprunteur.
Enfin, il sera également créé un comité chargé de veiller au suivi et à l’évaluation de cette garantie et de l’action du fonds de solidarité devant être mis en place conformément à l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
2/ La mise en place d’une réassurance publique des couvertures d’assurance-crédit à hauteur de 10 milliards d’euros
Le crédit inter-entreprises étant une source de financement importante des entreprises en France, le gouvernement a souhaité favoriser l’octroi d’assurance-crédit afin que les entreprises consentant des délais de paiement à leurs acheteurs puissent continuer à se couvrir contre une éventuelle défaillance de ces derniers.
Afin de faire face aux éventuelles craintes des assureurs-crédits et assurer la pérennité du financement par le biais du crédit inter-entreprises, l’article 7 de la Loi met ainsi en œuvre un dispositif de réassurance, par la Caisse Centrale de Réassurance, des risques d’assurance-crédit portant sur des PME et ETI[6], à hauteur d’un montant de 10 milliards d’euros. Le dispositif est limité dans le temps puisqu’il s’applique uniquement aux opérations de réassurance effectuées par la Caisse Centrale de Réassurance avant le 31 décembre 2020.
Les modalités d’application de ce mécanisme de réassurance seront fixées par décret.
3/ Le renforcement du dispositif de réassurance publique des encours d’assurance-crédit de court terme à l’export
Pour permettre aux entreprises françaises exportatrices de pouvoir continuer à recourir à l’assurance‑crédit pour sécuriser leurs opérations internationales, le dispositif de réassurance publique « Cap Francexport », lancé en octobre 2018, est étendu.
Pour mémoire, ce dispositif vise, conformément à l’article L. 432‑2, e) du Code des Assurances, à permettre la réassurance par Bpifrance Assurance Export SAS (agissant au nom, pour le compte et sous le contrôle de l’Etat) des opérations d’assurance des risques politiques et commerciaux à l’exportation vers certains pays étrangers. La durée de paiement doit être inférieure à deux ans et la limite globale était jusqu’alors d’un milliard d’euros.
L’article 5 de la Loi, d’une part, double le montant du plafond d’encours ré-assuré par l’Etat et le porte ainsi à 2 milliards d’euros et, d’autre part, élargit la liste des pays de destination éligibles à ce dispositif. Sont donc désormais également concernées par ce dispositif les exportations réalisées vers les pays de l’Union européenne et les pays à haut revenu de l’OCDE.
Cet article a été co-rédigé par Véronique Collin et Mathieu Lebourgeois
[1] Communiqué de presse du Ministère de l’Economie et des Finances du 19 mars 2020, N° 2082 (https://www.economie.gouv.fr/2082-bruno-le-maire-annonce-un-renforcement-du-dispositif-de-soutien-au-financement-des-entreprises).
[2] Dossier de presse du 24 mars 2020 « CORONAVIRUS COVID-19 – Prêt garanti par l’État : Quelles démarches pour en bénéficier ? » (https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2020/dp-covid-pret-garanti.pdf).
[3] En ce compris les artisans, commerçants, exploitants agricoles, professions libérales et micro-entrepreneurs.
[4] Au sens de l’article 1er de la loi n° 2014‑856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.
[5] Etant précisé que pour les entreprises innovantes satisfaisant à au moins l’un des critères définis au II de l’article D. 313-45-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, si cela leur est favorable, les prêts couverts par le dispositif de garantie pourront, par exception, représenter jusqu’à 2 fois la masse salariale constatée en 2019.
[6] L’article 7 de la Loi précise également que la Caisse Centrale de Réassurance peut réaliser des opérations d’assurance ou de réassurance des engagements pris en faveur des sous‑traitants en matière de construction de maison individuelle, conformément à l’article L. 231-13, g) du Code de la Construction et de l’Habitation.