CJUE, 10 septembre 2015, aff. 266/14
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a précisé, dans un arrêt du 10 septembre 2015, que les temps de déplacement des salariés, sans lieu de travail fixe ou habituel, effectués entre leur domicile et le premier ou dernier client de la journée constituent du temps de travail effectif.
Par conséquent, ces temps de trajet devraient en principe entrer dans le décompte de la durée du travail, notamment pour l’application de la législation sur les heures supplémentaires (majoration, contingent annuel et contrepartie obligatoire en repos) et l’appréciation des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail.
Pourtant, telle n’est pas la position actuelle du droit français !
En effet, l’article L. 3121-4 du Code du travail (issue de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005) dispose que « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’il en existe » (cette contrepartie peut par exemple être une indemnité de trajet).
Le législateur n’a pas prévu le cas particulier des salariés itinérants, c’est-à-dire dépourvus de lieu de travail fixe ou habituel, de sorte que ces derniers sont de facto soumis au même régime que les salariés sédentaires. La jurisprudence apprécie donc, au cas par cas, si le temps de trajet de ces salariés itinérants, pour se rendre de leur domicile à leurs différents lieux de travail (notamment chez les clients), dépasse le temps normal de trajet d’un salarié pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel. Il appartient ensuite au juge de déterminer, le cas échéant, le montant de la contrepartie due au salarié (en repos ou financière).
Attention, cette contrepartie ne peut correspondre au salaire versé au salarié et rémunérant son temps de travail effectif. Aussi, l’ensemble des dispositions sur la durée du travail ne s’appliquent pas (notamment la législation sur les heures supplémentaires énoncée ci-dessus) et ce, quelle que soit la durée du temps de déplacement effectué !
Une intervention du législateur en la matière est donc requise afin d’aligner la loi française sur cette jurisprudence de la CJUE. Les juridictions françaises ne peuvent en effet appliquer cette décision directement dans la mesure où cela reviendrait à déroger ouvertement aux dispositions légales en appliquant un régime différent de celui prévu par l’article L. 3121-4 du code du travail.
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