L’ordonnance n° 2009-80 du 22 janvier 2009 vient de substituer à la notion française « d’appel public à l’épargne » les notions communautaires « d’offre au public » de titres financiers et « d’admission aux négociations sur un marché réglementé ». Par cette réforme, le Gouvernement ne s’est pas contenté de transposer une directive en modifiant une notion de droit financier. Il a également abordé plusieurs sujets techniques propres à faciliter la vie des entreprises à l’avenir. C’est pourquoi cette réforme doit retenir notre attention.
Le nouveau régime abandonne purement et simplement la notion d’APE, notion inconnue du droit communautaire, et lui substitue les deux cas prévus par le dispositif communautaire (Directive 2003/71 du 4 novembre 2003 dite prospectus) : l’offre au public et l’admission aux négociations sur un marché réglementé. Ainsi, en vertu du nouvel article L. 411-1 du Code monétaire et financier, « l’offre au public de titres financiers est constituée par l’une des opérations suivantes : (1) une communication adressée sous quelque forme que ce soit et par quelque moyen que ce soit à des personnes et présentant une information suffisante sur les conditions de l’offre et sur les titres à offrir, de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d’acheter ou de souscrire des titres financiers ; (2) un placement de titres financiers par des intermédiaires financiers. »
Que faut-il retenir de cet article ? Tout d’abord, que seuls les titres financiers sont concernés par le dispositif et non plus les contrats financiers. Ensuite, en ce qui concerne « l’offre au public » par le biais d’une « communication », il faut rappeler que le placement était pris en considération par l’ancien article L. 411-1, 2, du code qui visait « l’émission ou la cession d’instruments financiers dans le public en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d’investissement ». La généralité du terme « communication » permet de conclure que la publicité et le démarchage sont toujours visés par la nouvelle définition, ce qui a l’avantage de maintenir les régimes juridiques en place pour ces deux moyens de diffusion des titres financiers. Cependant, attention à la ressemblance ! Cette définition est potentiellement plus large que l’ancienne, ce qui devra conduire à s’interroger chaque fois qu’un émetteur souhaite « communiquer » au sujet d’une offre de titres (via sites Internet, messages électroniques, réseaux associatifs, chaînes de parrainage…).
Enfin, concernant le critère du placement par des intermédiaires financiers, il s’apparente fort à l’ancien recours à un établissement de crédit ou à un prestataire de services d’investissement. Simplement, ce qui est un peu gênant et a sans doute échappé aux auteurs de l’ordonnance, c’est que la notion « d’intermédiaires financiers », issue du droit communautaire, n’est pas définie en droit français. Il faudra donc attendre une réglementation complémentaire pour savoir quels sont les professionnels concernés.
La réforme est également l’occasion d’un toilettage du statut de l’AMF, qui peut être résumé ainsi : l’AMF n’était compétente, avant la réforme, que pour les OPCVM, d’une part, et les instruments financiers faisant l’objet d’un APE, d’autre part (le marché des titres de créances négociables et l’assurance-vie n’étaient pas concernés). La nouvelle rédaction (C. monét. fin., nouvel art. L. 621-1) crée une légère confusion car elle se réfère à « la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers donnant lieu à une offre au public ou à une admission aux négociations sur un marché réglementé et dans tous autres placements offerts au public ». Les placements « offerts au public » sont plus larges que « l’offre au public ». Ce glissement annonce sans doute une réforme de la compétence de l’AMF, vers l’assurance-vie notamment.
La réforme de l’appel public à l’épargne est également l’occasion de revisiter certains mécanismes ou dispositions qui semblaient peu adaptés aux besoins des entreprises ou peu clairs, tout en facilitant l’usage de solutions par un plus grand nombre de sociétés. Les textes précédents donnaient aux sociétés ayant procédé, ne serait-ce qu’une fois, à l’une ou l’autre des opérations constitutives d’un appel public à l’épargne, un statut auquel étaient attachées des obligations permanentes très contraignantes. En principe, la notion d’APE disparaissant de notre droit, c’est également le statut de société faisant APE qui disparaît. Les obligations du statut APE (information, changement de commissaire aux comptes, etc…) ne concerneront plus à l’avenir que les sociétés dont les titres (les actions le plus souvent) sont admis aux négociations sur un marché réglementé. La simplification était attendue et son adoption doit être saluée comme une évolution de notre droit des sociétés vers plus de pragmatisme.
L’ordonnance supprime aussi, en ce qui concerne le montant du capital minimum, la distinction entre les sociétés faisant ou non appel public à l’épargne pour instaurer un capital minimum unique pour toutes les sociétés anonymes (37.000 euros). Cette disposition est cohérente dans la mesure où les règles de marché prévoient des seuils spécifiques de première cotation très supérieurs au montant de capital social antérieurement exigé par la loi, qui eux-mêmes n’ont d’ailleurs pas grand-chose à voir avec la pratique des premières cotations qui se font souvent pour des montants bien plus substantiels que les minima réglementaires.
A noter aussi : l’obligation d’établir un rapport sur le contrôle interne (articles L. 225-37 et L. 225-68) est limitée aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, auxquelles sont assimilées, par souci de cohérence, les sociétés en commandite par actions concernées par l’article L. 226-10-1.
En matière d’information, l’ordonnance finalise aussi la réforme des publications au BALO (initiée par le décret du 13 avril 2008) en supprimant dans le Code de commerce la mention de la publication d’un rapport semestriel et l’élaboration d’un inventaire des valeurs mobilières. Ces deux formalités, dites « Code de commerce », sont donc supprimées. Demeurent, cependant, l’établissement en annexe des comptes annuels d’un tableau de répartition et d’affectation des sommes distribuables à proposer en assemblée générale et le rapport financier semestriel issu de la Directive transparence. Autre précision pratique importante : l’ordonnance désigne la direction des journaux officiels pour assurer le stockage centralisé de l’information réglementée (C. mon. fin., art. L.451-1-6). L’obligation de conserver l’information pendant cinq ans sur le site de l’émetteur, qui avaient été prévue à titre transitoire (art. 221-3, II, RG AMF) devrait être supprimée par arrêté.
Le fonctionnement des sociétés est également abordé par l’ordonnance, notamment en ce qui concerne les modalités de mise en œuvre des augmentations de capital social. Le régime des subdélégations de compétence est étendu aux sociétés admises sur un système multilatéral de négociation (Alternext). Le mécanisme de l’article L. 225-129-4 du Code de commerce pourrait donc être utilisé indifféremment par les organes de direction des sociétés admises sur Euronext ou Alternext.
La réforme assouplit également le régime de ce qu’il est convenu d’appeler les « augmentations de capital au fil de l’eau ». Ces augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription (DPS) étaient plafonnées, jusqu’à l’ordonnance, à 10 % du capital social par exercice. Cette limite obligeait tout émetteur souhaitant émettre plus de 10 % au profit d’investisseurs professionnels, à ouvrir l’offre au public. Cette incohérence empêchait un usage de l’augmentation de capital sans DPS adapté aux besoins des sociétés. Le plafond est donc relevé à 20 %, ce qui va permettre plus de souplesse. En introduisant la référence à ces placements privés à l’article L. 225-136 du Code de commerce, l’ordonnance institue aussi un régime unifié de fixation du prix : moyenne pondérée des cours des trois dernières séances de bourse précédant la fixation du prix avec décote plafonnée à 5 %, pour les sociétés dont les titres de capital sont admis sur un marché réglementé, et fixation libre pour toutes les autres sociétés.
L’ordonnance attire aussi l’attention en assouplissant le régime des émissions de capital dans les SAS. Sans revenir sur le principe d’interdiction pour une SAS de procéder à une offre au public, l’ordonnance ouvre aux SAS certaines des exemptions légales (art. L.411-2, I, 2 et 3 et II, C. mon. fin.). La SAS peut donc désormais procéder à des offres réservées à des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d’investisseurs ou portant sur des titres exclus du champ des offres au public (valeur nominale de chacun des titres supérieure à 50.000 euros ou acquisition par chacun des bénéficiaires de l’offre de plus de 50.000 euros). Il s’agit d’un premier assouplissement du financement de la SAS, qui peut s’avérer très utile dans le cadre d’opérations de M&A.