Ce n’est pas la saga familiale qui nous intéresse ici mais bien le problème de droit soulevé par la décision rendue le 12 janvier dernier par le tribunal correctionnel de Paris.

La décision est claire : relaxe générale pour manque d’éléments tangibles permettant de caractériser la fraude fiscale.

En pratique il s’agissait de démontrer que la détention des biens par des trusts et la cascade de sociétés liées au fonctionnement de ces trusts étaient constitutifs de fraude fiscale. Or la fraude fiscale présuppose un élément intentionnel, d’une part, mais également la réunion d’éléments matériels permettant d’apporter la preuve de la fraude, d’autre part.

Ce dernier point est bien entendu le plus délicat car il suppose de réussir à démontrer que la réalité n’est pas celle que le contribuable prétend être…

Comment donc apporter la preuve de ce qui est dissimulé ? Exercice déjà délicat dans un cadre franco-français mais qui devient une sport de haute voltige lorsqu’il s’agit de lever le voile sur des « créatures » juridiques étrangères, hybrides et n’ayant souvent aucune équivalence en droit français.

Pour rappel, le droit fiscal français permet d’appréhender fraude et fictivité par la notion d’abus de droit. Cette notion de construction prétorienne a été légalisée en 2008 et permet à l’administration fiscale française de sanctionner les montages « fictifs » ou à but exclusivement fiscal. Dans ce cadre, les tribunaux sont amenés à rechercher la substance des structures juridiques « écran », les raisons économiques qui motivent la mise en place de ces structures et le but de ces opérations.

Dans l’affaire Wildenstein, il s’agissait de trusts. Le trust est une construction juridique anglo-saxonne qui permet à un individu de se « dessaisir », de façon révocable ou non, de ses biens pour en confier la gestion à un trustee et les produits à des bénéficiaires identifiés.

Ce type de structure présente en particulier un intérêt en cas de succession puisque, notamment en cas de trust irrévocable, il permet de considérer que les biens ont été transmis en amont du décès.

La France a, bien entendu, essayé d’appréhender ces structures, notamment par le biais de la loi n°2011-900 du 29 juillet 2011 qui, bien qu’elle ne reconnaisse pas véritablement le trust en tant que tel, en appréhende certains effets en droits français…

En pratique, le résultat peut paraitre déroutant… un fish and chips à la sauce meunière… le trust n’ayant pas la personnalité morale, il est ignoré en tant que tel, le constituant, ex-propriétaire, est celui qui « place » ses biens (formulation large permettant d’y inclure tant les personnes physiques que morales), les bénéficiaires sont les « attributaires » des produits ou du capital. Enfin le trustee n’est ni un exécuteur testamentaire ni un légataire universel et pas plus un mandataire… Son rôle n’est donc pas précisément établi.

Sur cette base, le code général des impôts, essaie, coûte que coûte d’appliquer ses règles, notamment en matière de mutations à titre gratuit, aux transmissions opérées via des trusts.

Bonne ou mauvaise solution ? L’exercice est périlleux et l’affaire Wildenstein en témoigne. De l’avis de tous, il s’agit d’un cas de fraude fiscale caractérisée mais les éléments présentés au juge n’ayant pas suffi à prouver la fraude, l’accusé est relaxé.  Le droit français est en réalité mal équipé pour cet exercice. En plaquant sur des situations étrangères des principes français, l’administration fiscale ne dispose que d’outils inadaptés. Rechercher la substance d’une structure qui par essence n’est pas censée en avoir une est un exercice vain.

La solution à ce sujet est clairement définie depuis quelques années : une plus grande coopération entre les États pour une meilleure compréhension des spécificités locales et une moindre déperdition de la masse imposable.

Travail de fond de longue haleine que de mettre en place un droit qui en regrouperait des centaines… C’est pourtant bien ce que porte le projet BEPS. Le sujet était d’ailleurs au centre des préoccupations de la réunion du Conseil « Affaires économiques et financières » (ECOFIN) du 21 février dernier, qui prenait en thème directeur « les dispositifs hybrides ».

Pour le moment et dans l’attente de mesures ciblées, les obligations de reporting mises à la charge des contribuables tant personnes physiques que morales devraient, à tout le moins, permettre de mieux identifier les lieux de localisation privilégiées.
Article rédigé par Stéphanie Nègre