Cass. com. 10 février 2009, n° 07-20445

Pendant longtemps, la Cour de cassation a protégé le dirigeant à l’égard des tiers en leur opposant la barrière de la personnalité morale : toute faute commise était nécessairement de gestion et donc devait être assumée par la société elle-même.

Pour limiter cette protection du dirigeant aux cas dans lesquels elle se justifie, les juges ont eu recours à la notion de « faute détachable » des fonctions, définie depuis l’arrêt Seusse (Cass. Com. 23 mai 2003), comme la faute intentionnelle (le dirigeant a connaissance du fait dommageable) d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales.

Des recours se sont multipliés après cet arrêt de principe, notamment dans l’hypothèse où la société est en redressement ou liquidation judiciaire, pour tenter d’imputer personnellement la faute au dirigeant afin qu’il indemnise lui-même la perte subie par les tiers du fait de sa faute de gestion. Un travail d’identification de la faute détachable s’en est suivi.

Jusqu’à un arrêt du 10 février 2009, il était difficile de savoir si le dirigeant agissant dans le cadre de ses fonctions pouvait néanmoins commettre une faute qualifiée de détachable en raison de son comportement. Pouvait-il être personnellement responsable pour avoir répété sciemment une faute, comme l’avait dit une affaire avant 2003, ou commis une faute d’une particulière gravité constitutive d’une violation de règles comptables (absence de provision et rupture d’image fidèle) ?

L’arrêt Pierre Cardin du 10 février 2009 indique que la faute détachable peut parfaitement être le fait de dirigeants « même agissant dans les limites de leurs attributions ». La faute détachable peut donc parfaitement être commise dans l’exercice des fonctions sociales.

Dès lors, comme en l’espèce, le dirigeant qui ne passe pas des provisions pour les redevances de trois contrats de licence abusivement résiliés puis pour le montant des condamnations prononcées à l’encontre de la société commet une faute détachable dont il est responsable à titre personnel.

Tout est donc affaire de casuistique mais on comprend bien l’esprit de l’arrêt : le dirigeant a droit à l’erreur mais persévérer dans l’erreur engage sa responsabilité. On en revient donc au critère antérieurement retenu par certains arrêts de la faute d’une particulière gravité qui pourrait se rencontrer dans de nombreuses circonstances.