L’article L.3511-3 du Code de la santé publique interdit "la publicité ou la propagande, directe ou indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac". Il s’agit là d’une infraction pénale à l’application volontairement large puisque l’interdiction vise non seulement la publicité, mais également une notion plus large, celle de "propagande", c’est à dire un discours d’ordre général sur un produit qui incite le consommateur à le consommer. De plus, l’interdiction de la publicité ou la propagande même "indirecte", contribue encore à élargir le champ d’application de l’infraction.
Pour autant, il faut rappeler qu’en application de l’article 121-3 du Code pénal, un crime ou un délit nécessitent la preuve d’un élément intentionnel ("il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre").
Or, c’est sur l’application combinée de ces deux dispositions pénales que le jugement du TGI de Paris du 12 janvier 2006 est intéressant.
Dans cette affaire, l’association de lutte contre le tabac "Les droits des non fumeurs" a assigné un journal et son directeur de publication en raison de la reproduction, dans deux numéros, de photographies sur lesquelles apparaissaient les marques "Marlboro" et "Mild Seven". Ces photos avaient vocation à illustrer deux articles relatifs, l’un à la Formule 1, l’autre à Lionel Jospin, sous le titre "Jospin l’intraitable", et consacré à son éventuelle candidature à la prochaine élection présidentielle.
Malgré la reproduction de marques de tabac au sein des deux numéros, le TGI de Paris a prononcé la relaxe des prévenus pour les motifs suivants : tout d’abord, les juges ont retenu que les deux articles ne constituaient ni une publicité, ni une propagande dès lors que la lecture des deux articles ne pouvait de quelque façon que ce soit conduire à penser que les journalistes avaient d’autres préoccupations que celles sportives ou politiques annoncés de manière officielle. Ensuite, les juges ont relevé que les agences de presse à qui les photographies litigieuses avaient été achetées n’avaient aucun lien direct ou indirect avec le commerce du tabac ou de ses produits. Surtout, les juges ont déduit de ces éléments que les prévenus n’avaient aucune volonté de faire échec aux dispositions légales de la loi Evin, l’élément intentionnel de l’infraction faisant ainsi défaut.
Une telle décision peut paraître relativement "permissive" au regard de l’objectif du législateur d’interdiction en droit français de quasi toute communication en faveur du tabac. Toutefois, elle respecte le principe d’interprétation stricte de la loi pénale quant à l’appréciation des éléments constitutifs d’un délit, qu’ils soient matériels ou d’ordre moral.
Pour autant, ce jugement ne doit pas conduire à une baisse de vigilance en matière de communication représentant des marques de tabac ou faisant allusion d’une façon ou d’une autre au tabac ou à ses produits. La prudence demeure en effet de mise dès lors qu’il s’agit là d’une décision de première instance dont appel a été interjeté. Gageons alors que ce sera l’occasion pour la Cour d’appel de Paris de fournir à son tour des éclaircissements sur l’interprétation des dispositions de la loi Evin en matière de publicité ou de propagande, notamment indirecte, en faveur du tabac.