Alice au pays des merveilles. Source gallica.bnf.fr / BnF

Les proverbes Chinois sont plein de bon sens : « Un homme qui ne réfléchit pas sur le long terme connaîtra des déboires à court terme ». En matière contractuelle, surtout lorsque l’exécution se prolonge dans le temps, il est prudent de prévoir une clause d’adaptation ou de révision (on utilise parfois l’expression anglaise, clause de hardship).

La conjoncture économico-financière (mais aussi sociale, politique, géopolitique, environnementale…) n’a jamais été aussi incertaine, entrainant d’importants risques de bouleversements de l’économie générale de nombreux contrats.

Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1195 accueille dans notre code civil l’imprévision ; autrement dit, sous certaines conditions, un principe général de révision des contrats. La Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée. Ce n’est pas étonnant eu égard à l’importance du contexte factuel, lequel relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Le tribunal de commerce de Paris (jugement du 14 décembre 2022) s’est récemment prononcé sur l’article 1195 CC.   

Dans cette affaire relative à la fourniture de carreaux de céramique, il a rejeté une demande principale de révision de prix (le demandeur n’apportant pas « les éléments nécessaires pour mesurer le bien-fondé des modifications du tarif présentées ») mais a accueilli la demande subsidiaire de résiliation du contrat, prenant acte de ce que la hausse « considérable » et imprévisible des prix des matières premières, de l’énergie et du transport rendait son exécution excessivement onéreuse.

Deux leçons pratiques peuvent être tirées de cette décision :

  • D’une part, en demande comme en défense, les parties ont intérêt à faire valoir des éléments de preuve précis, détaillés et convaincants. L’article 1195 CC donne au juge des pouvoirs considérables. La résiliation était-elle véritablement souhaitée en l’espèce ? Ni comptables, ni « managers de contrat », les magistrats n’ont pas un temps infini à consacrer à chaque dossier.  Gare aux effets boomerang et mauvaises surprises.
  • D’autre part, il convient de rester pragmatique, vigilant et attentif aux conditions d’application de l’article 1195 CC. Le principe reste la force obligatoire des contrats (Pacta sunt servanda), lesquels doivent être négociés et exécutés de bonne foi. Il n’est jamais sain de s’engager ou se désengager à la légère. Ce qui était imprévisible lorsque la pandémie de Covid 19 ou la guerre en Ukraine ont éclaté, ne l’est plus forcément, mécaniquement, aujourd’hui.  

L’incertitude règne en matière d’incertitude… Il est essentiel de se projeter et d’anticiper d’éventuelles difficultés.

Qu’il s’agisse de conseil, rédaction contractuelle, précontentieux, contentieux (judiciaire ou arbitral), interroger les praticiens spécialisés n’est jamais un luxe.  

Nos équipes restent à votre écoute et votre disposition.  

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Vous trouverez ci-dessous un lien vers le webinar consacré à la Force majeure et à l’imprévision, présenté par Catherine Muyl et Antoine Adeline en décembre dernier.

Replay – Gérer vos contrats par temps de crise : imprévision et force majeure

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