Mise à jour au 27 mars 2020
La loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 (article 4), publiée au JO du 24 mars 2020, a déclaré un état d’urgence sanitaire de 2 mois à compter de la publication de la loi, auquel il peut être mis fin par anticipation par décret. En l’état actuel, cet état d’urgence sanitaire est donc instauré du 24 mars au 24 mai 2020.
En application de la loi d’urgence susvisée, le gouvernement a légiféré par ordonnances sur les points suivants, en matière de droit des sociétés :
Concernant les approbations des comptes
Ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020
- Le délai de présentation des comptes par le Directoire est prorogé de 3 mois (soit, pour les exercices clos au 31 décembre 2019, jusqu’au 30 juin 2020).
Ces dispositions sont applicables aux sociétés clôturant leurs comptes entre le 31 décembre 2019 et le 24 juin 2020 (sauf fin anticipée de l’état d’urgence sanitaire). En sont toutefois exclues les sociétés ayant un Commissaire aux comptes, lorsque celui-ci a émis son rapport avant le 12 mars 2020.
- Le délai d’établissement des comptes par le liquidateur des sociétés en cours de liquidation est prorogé de 2 mois (soit, pour les exercices clos au 31 décembre 2019, jusqu’au 31 mai 2020).
Ces dispositions sont applicables aux sociétés clôturant leurs comptes entre le 31 décembre 2019 et le 24 juin 2020 (sauf fin anticipée de l’état d’urgence sanitaire).
- Les délais légaux et statutaires d’approbation des comptes et de convocation des Assemblées Générales chargées de cette approbation sont prorogés de 3 mois (soit, pour les exercices clos au 31 décembre 2019 et avec un délai de convocation de 15 jours, une prorogation des convocations jusqu’au 15 septembre 2020 et de la réunion des Assemblées jusqu’au 30 septembre 2020).
Ces dispositions sont applicables aux sociétés clôturant leurs comptes entre le 30 septembre 2019 et le 24 juin 2020 (sauf fin anticipée de l’état d’urgence sanitaire). En sont toutefois exclues les sociétés ayant un Commissaire aux comptes, lorsque celui-ci a émis son rapport avant le 12 mars 2020.
- Les délais d’établissement des documents de gestion prévisionnelle sont prorogés de 2 mois.
Ces dispositions sont applicables aux sociétés clôturant leurs comptes ou leur semestre entre le 30 novembre 2019 et le 24 juin 2020 (sauf fin anticipée de l’état d’urgence sanitaire).
Concernant les réunions des organes sociaux
Ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020
Les dispositions exceptionnelles ci-dessous sont applicables, notamment, aux sociétés civiles et commerciales, aux GIE, aux coopératives, aux mutuelles et aux associations et fondations. Elles s’appliquent aux réunions des organes sociaux collégiaux des entités susvisées tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020 (sauf prorogation par décret et au plus tard jusqu’au 30 novembre 2020) :
Les Assemblées Générales
- Lorsqu’une Assemblée Générale est convoquée en un lieu affecté, à la date de la convocation ou de la réunion, par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour motifs sanitaires, l’organe compétent pour la convoquer ou le représentant légal agissant sur délégation peut décider de tenir l’Assemblée sans que personne ne soit présent ni physiquement ni par conférence téléphonique ou audiovisuelle. Dans ce cas, les membres participent et votent selon les autres modalités prévues par les textes qui les régissent (c’est-à-dire, par exemple, au moyen d’un formulaire de vote à distance ou d’une procuration).
- Afin de faciliter la participation des membres à ce type d’Assemblées Générales tenues « à huis clos », le recours à la visioconférence et aux moyens de télécommunication est désormais ouvert à toutes les entités (quel que soit le motif de la réunion), y compris les entités pour lesquelles ce mode de participation n’était pas légalement ou statutairement prévu et sans qu’une clause statutaire ne puisse s’y opposer.
- Par ailleurs, le recours à la consultation écrite des Assemblées est assoupli dans les entités pour lesquelles ce mode de participation était déjà prévu par la loi, puisqu’une telle consultation est désormais possible même en cas de silence des statuts ou si ceux-ci l’excluent expressément. Notons que, la loi ne prévoyant pas de consultation écrite dans les SA, celles-ci restent exclues de cet assouplissement.
- Si l’une des facultés susvisées (Assemblée tenue hors la présence de ses membres à la séance ou recours à la visioconférence et aux moyens de télécommunication) est utilisée alors que tout ou partie des formalités de convocation ont été accomplies avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, les participants en sont informés par tous moyens 3 jours ouvrés avant la réunion.
- Les demandes de communication de documents peuvent être satisfaites de manière dématérialisée.
Les réunions des Conseils d’Administration, Directoires et Conseils de Surveillance
Le recours aux moyens de visioconférence et de télécommunication, ainsi qu’à la consultation écrite est autorisé pour toutes les réunions de ces organes, quel qu’en soit le motif, même en cas de silence des statuts ou si ceux-ci l’excluent expressément.
Concernant les délais échus
Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
Les dispositions exceptionnelles ci-dessous sont applicables à tous les délais expirant entre le 12 mars et l’expiration d’un délai d’1 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. En l’état actuel, sont donc concernés tous les délais expirant entre le 12 mars et le 24 juin 2020.
Tout acte, recours, formalité, inscription, déclaration, notification, publication qui aurait dû être accompli pendant cette période « sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».
L’ordonnance permet donc de considérer comme n’étant pas tardif tout acte ou formalité dont le terme échoit pendant la période susvisée, à condition qu’il soit réalisé dans le délai supplémentaire imparti.
Ce texte manque de clarté. Doit-on comprendre que tous les délais qui expirent au cours de la période susvisée sont reportés, dans leur intégralité, à compter de la fin de cette période et dans la limite de 2 mois ou, au contraire, que ces délais sont simplement suspendus et reprendront, uniquement pour le délai restant à courir, à compter de la fin de cette période et dans la limite de 2 mois ?
La rédaction nous porterait à penser que la première option est privilégiée par le législateur. Ainsi, selon cette interprétation, les délais d’opposition des créanciers en matière de TUP, de fusion, d’apports partiels d’actif ou de réduction de capital qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 et qui devaient en principe expirer en mars ou en avril sont interrompus. Ils recommenceront à courir, depuis le départ (soit pour leur durée initiale de 30 jours ou de 20 jours), à compter du 24 juin 2020.
S’agissant des TUP pour lesquelles le délai d’opposition est actuellement en cours, cela signifie, en pratique, que leur mise en œuvre est reportée, l’article 1844-5 du Code civil stipulant expressément que : « la transmission du patrimoine n’est réalisée et il n’y a disparition de la personne morale qu’à l’issue du délai d’opposition ». Une interrogation demeure quant à la date de la réalisation juridique de la TUP in fine. En supposant qu’aucun créancier ne fasse finalement opposition dans le délai supplémentaire imparti (soit, en l’état actuel, d’ici le 24 juillet 2020), la TUP sera-t-elle automatiquement réalisée le 25 juillet 2020 ou pourra-t-on considérer qu’elle l’est depuis la fin du délai initial d’opposition des créanciers ? Ce délai supplémentaire ayant uniquement pour objectif de protéger les créanciers qui ne peuvent actuellement pas matériellement faire opposition, une réalisation juridique de la TUP à la date d’effet initiale en l’absence d’opposition ne semble pas contraire à cet objectif de protection et permettrait aux groupes de pouvoir respecter in fine le calendrier initial de leurs opérations. Cette interrogation se justifie, compte tenu des termes « sera réputé » qui sont employés dans l’ordonnance. Nous attendons la position du Conseil National des Greffiers des tribunaux de commerce (CNG) sur ce point.
Par ailleurs, en l’état actuel et sauf fin anticipée de l’état d’urgence sanitaire, ces dispositions risquent d’avoir un impact important sur les opérations de réorganisation dont la réalisation était prévue au 30 juin 2020, puisqu’elles rendent inopérante toute publication en vue de faire courir un délai d’opposition des créanciers au cours dudit mois de juin.
Toutes ces dispositions auront à l’évidence un impact très important sur les opérations en cours et celles prévues au cours du premier semestre 2020.