La loi PACTE a été définitivement adoptée le 11 avril dernier. Cependant, elle n’est pas encore promulguée puisque le Conseil Constitutionnel a été saisi en application de l’article 61 alinéa 2 de la constitution par 60 sénateurs et 60 députés les 16 et 23 avril dernier.

La loi Pacte telle que votée prévoit en matière sociale (i) de nouvelles règles de décompte des effectifs et de franchissement de seuils, (ii) renforce l’intégration des enjeux sociaux et environnementaux et (iii) prévoit des mesures destinées à favoriser la mise en place de dispositifs d’épargne salariale et (iv) prévoit également des mesures relatives aux différents plans d’épargne retraite.

  1. Nouvelles règles de décompte des effectifs et de franchissement de seuils

L’article 11 de la loi Pacte qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020 regroupe désormais les seuils d’effectifs autour de 3 seuils : 11, 50 et 250 salariés.

La règle de décompte des effectifs sera désormais celle retenue par le Code de la sécurité sociale, à savoir la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente. Cette règle souffre néanmoins de nombreuses exceptions, notamment en matière de droit du travail, où les règles de décompte actuelles continueront d’être appliquées.

La définition des catégories de personnes incluses dans l’effectif et les modalités de leur décompte s’effectuera par voie réglementaire.

Le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif ne sera pris en compte que lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé durant 5 années civiles consécutives.

En revanche, le franchissement à la baisse d’un seuil d’effectif sera pris en compte lorsque le seuil à la baisse aura été atteint pendant une année civile complète (du 1er janvier au 31 décembre de l’année X).

S’agissant des franchissements de seuils modifiés, l’établissement d’un règlement intérieur ne sera plus obligatoire dans les entreprises d’au moins 20 salariés, mais de 50 salariés, lorsque le seuil aura été atteint pendant 12 mois consécutifs (article L.1311-2 modifié du code du travail).

En revanche, aucun impact de ces nouvelles règles de décompte et de franchissement de seuils sur la représentation du personnel, conformément à la déclaration du ministre de l’Économie et des Finances, lors de la séance publique du 29 janvier 2019, qui avait précisé que le gouvernement ne souhaitait « pas toucher aux règles de représentation du personnel dans l’entreprise ».

  1. Renforcement de l’intégration des enjeux sociaux et environnementaux

L’article 1833 du code civil qui dispose que « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés » sera enrichi de la notion jurisprudentielle d’intérêt social dans les termes suivants : « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». L’objectif est de mieux prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie et l’activité des entreprises selon le ministère de l’Economie.

L’article 1835 du code civil sera également modifié pour donner la possibilité aux sociétés de préciser leur raison d’être dans les statuts, laquelle sera constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité.

  1. Mesures destinées à favoriser l’épargne salariale

Dans le prolongement de la loi de financement de sécurité sociale 2019, qui a supprimé le forfait social de 20% sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur l’ensemble des versements d’épargne salariale (intéressement, participation et abondement de l’employeur sur un plan d’épargne salariale) pour les entreprises de moins de 50 salariés, à compter du 1er janvier 2019, la loi Pacte prévoit de nouvelles mesures destinées à favoriser l’épargne salariale, à savoir, pour l’essentiel :

  • Négociation d’un dispositif-type d’intéressement, de participation, ou de plan d’épargne salariale au niveau de la branche au plus tard le 31 décembre 2020

L’objectif est de permettre aux entreprises de la branche d’opter pour l’application directe de l’accord négocié au niveau de la branche. Ces accords types négociés au niveau de la branche seront publiés sur le site internet du ministère du Travail.

  • Hausse du plafond de la prime d’intéressement et du plafond d’exonération d’impôt sur le revenu

Le législateur a relevé le plafond de la prime d’intéressement, actuellement fixé à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale (ci-après « PASS »), soit 20.262€ en 2019, à 75% du PASS soit 30.393€ en 2019.

Le plafond d’exonération d’impôt sur le revenu est parallèlement aligné sur le même montant.

  • Sécurisation du régime fiscal et social de faveur des accords d’intéressement

Le législateur met également en place un système de sécurisation du régime fiscal et social de faveur (prévus aux articles L.3315-1 à L.3315-3 du Code du travail) dont bénéficient les accords d’intéressement en l’absence d’observations de la DIRECCTE dans les 4 mois suivant le dépôt de l’accord.

Par dérogation à cette disposition, l’administration dispose de six mois suivants le dépôt de l’accord pour formuler des demandes de modification de dispositions contraires aux dispositions légales, afin que l’entreprise puisse se mettre en conformité pour les exercices suivant celui du dépôt. À défaut, les exonérations sociale et fiscale sont réputées acquises pour la durée de l’accord.

  • Réduction du plafond de la réserve spéciale de participation

Lorsque la répartition de la réserve spéciale de participation entre les bénéficiaires est calculée proportionnellement au salaire perçu, celui-ci est pris en compte dans la limite d’un plafond. Jusqu’alors, ce plafond était fixé par décret à 4 fois le plafond annuel la sécurité sociale (Pass) (C. trav. art. D.3324-10). La loi abaisse ce plafond à 3 PASS (C. trav. art. L.3324-5 modifié). Il s’agit de favoriser une répartition plus égalitaire de la participation, dont une part croissante est attribuée aux plus hauts revenus.

  1. Mesures relatives aux différents plans d’épargne retraite
  • Généralisation sous condition du taux réduit à 16% du forfait social à l’ensemble des plans d’épargne retraite d’entreprise

Pour bénéficier de ce taux de 16%, les sommes devront être versées sur un plan d’épargne retraite d’entreprise prévoyant que l’encours en gestion pilotée est investi par défaut (en l’absence de choix différent de l’épargnant) à hauteur de 10% de titres éligibles au PEA-PME.

  • Diversification des sommes pour l’alimentation du plan d’épargne retraite

Le législateur a prévu que les personnes physiques peuvent verser des sommes dans un plan d’épargne retraite sans autre condition.

  • Possibilités de sortie par anticipation

En principe, les droits ne sont pas rachetables puisqu’ils sont constitués en vue de la retraite, mais le législateur a prévu 6 possibilités de déblocage anticipés :

  • Décès du conjoint titulaire ou de la personne liée par un pacs au titulaire
  • Invalidité de l’assuré, de ses enfants, de son conjoint, ou de son partenaire ;
  • Surendettement du titulaire ;
  • Expiration des droits de l’assuré aux allocations chômage ;
  • Cessation d’activité non salariée de l’assuré après un jugement de liquidation judiciaire ;
  • Affectation des sommes à l’acquisition de la résidence principale (sauf pour les droits issus de versements obligatoires des employeurs ou épargnants dans un contrat collectif souscrit par l’employeur).
  • Possibilité de sortie en rente ou en capital

La loi PACTE introduit le choix entre une sortie en rente ou un paiement en capital au moment de la retraite, alors que jusqu’à présent, la sortie en rente était privilégiée dans la plupart des produits d’épargne retraite. À l’échéance du plan, seule la sortie en rente viagère est autorisée pour les droits correspondants à des cotisations obligatoires du salarié ou de l’employeur versés dans des contrats à adhésion obligatoire. Le choix entre rente et capital s’applique pour les droits correspondants aux autres versements.

  • Portabilité des droits entre les dispositifs d’épargne retraite

Il sera possible de transférer les droits individuels en cours de constitution vers tout autre plan d’épargne retraite sans que le transfert n’emporte de modification des conditions de leur rachat ou leur liquidation. Les frais encourus à l’occasion d’un tel transfert ne pourront excéder 1% des droits acquis et seront nuls à l’issue d’une période de 5 ans à compter du premier versement dans le plan ou lorsque le transfert intervient à compter de la liquidation de la pension dans un régime obligatoire. Le transfert ne sera pas totalement libre puisque les droits individuels relatifs aux plans d’épargne retraite d’entreprise auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire ne seront transférables que lorsque le titulaire n’est plus tenu d’y adhérer.

L’article 197 de la loi PACTE habilite le gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de 6 mois suivant la promulgation de la loi les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2014/50/UE, dite « portabilité ».

  • Information régulière des titulaires d’un plan d’épargne retraite

Le législateur introduit une information régulière des titulaires d’un plan d’épargne retraite sur la valeur de leurs droits en cours de constitution, et les modalités de leur transfert vers un autre plan d’épargne retraite dans des conditions précisées par voie réglementaire.

En outre, avant l’ouverture du plan, et annuellement ensuite, les titulaires d’un plan d‘épargne retraite devront être informés :

  • De la performance brute et nette des frais,
  • Des frais prélevés,
  • Des éventuelles rétrocessions et commissions perçues au titre de la gestion financière de ces plans.

Cet article a été écrit par Delphine Monnier