Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-22.385
L’article L. 622-24 du Code de commerce est clair : tout mandataire ou préposé du créancier peut effectuer pour le compte de celui-ci une déclaration de créance au passif d’un débiteur à l’encontre duquel une procédure collective a été ouverte.
En effet, cet article prévoit notamment (alinéa 2) que :
« La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance. »
Toutefois, les créanciers vérifient-ils systématiquement que leur préposé dispose des pouvoirs nécessaires pour effectuer valablement la déclaration de créance ?
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de rappeler que « la déclaration des créances équivaut à une demande en justice », de sorte que « la personne qui déclare la créance d’un tiers doit, si elle n’est pas avocat, être munie d’un pouvoir spécial, donné par écrit, avant l’expiration du délai de déclaration des créances »[1] ;
Si la déclaration effectuée par un avocat du créancier ne pose pas de difficultés compte tenu de son mandat ad litem, il n’est pas rare que ce soit le directeur juridique ou le directeur financier d’une société qui effectue la déclaration de créance pour le compte de la société, voire de certaines filiales ou sociétés affiliées.
Dans une affaire récente soumise à la Cour de cassation, une cour d’appel avait considéré qu’une déclaration de créance effectuée par un préposé qui ne disposait pas d’un pouvoir valable ne pouvait être valablement admise au passif du débiteur. Pour ce faire la cour d’appel avait constaté une rupture dans « la chaîne des pouvoirs », privant ainsi le préposé de la possibilité de valablement déclarer la créance de la société.
Se posait alors la question de la possible ratification par la société de sa créance ainsi irrégulièrement déclarée par une personne sans pouvoir valable.
Alors que la cour d’appel avait considéré que la déclaration de créance n’avait pas été ratifiée par la société en cours de procédure et avait donc infirmé l’admission de la créance déclarée par ledit préposé au passif, la Cour de cassation est venue casser la décision de la cour d’appel, considérant que le créancier, en concluant, devant le juge-commissaire, à l’admission de la créance déclarée par son préposé, avait nécessairement ratifié la déclaration.
En effet, le texte ne prévoit aucune forme particulière pour la ratification de la déclaration de créance par la société, autre que son intervention avant que le juge n’ait statué sur l’admission de la créance.
La Cour de cassation vient ainsi confirmer que cette ratification peut être implicite, comme dans le cas d’espèce en régularisant des conclusions en vue de l’admission de sa créance devant le juge commissaire, puis devant la cour d’appel.
Que les créanciers se rassurent, si l’auteur de la déclaration de créance n’est pas dument habilité à l’effectuer, le créancier peut encore la ratifier jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’admission de sa créance au passif.
Gare toutefois aux irrégularités de la déclaration de créance qui risquerait d’être contestée devant le juge avec l’aléa et la durée d’une telle procédure.
[1] Cour de cassation, Assemblée plénière, 4 février 2011, 09-14.619.