L’article L.716-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que les actes de contrefaçon peuvent être démontrés par tout moyen.

Le premier réflexe en présence d’une contrefaçon est de se faire autoriser à effectuer une saisie contrefaçon, mesure invasive et agressive mais très efficace. Elle est strictement encadrée car elle porte atteinte le plus souvent à l’espace privé.

Cependant, une telle mesure risque de coûter cher à son auteur si les droits de propriété intellectuelle qu’il revendique et sur lesquels il se fonde pour diligenter son action, sont contestés. En effet, une saisie contrefaçon abusive est sévèrement condamnée par les tribunaux.

Par ailleurs, une saisie contrefaçon est une procédure onéreuse et la victime de la contrefaçon peut souhaiter se forger des preuves à moindre coût.

Les constats d’achat sont des moyens de preuve couramment utilisés et admis depuis toujours par la jurisprudence (CA Paris, 25 octobre 1993, Union Franco-Chinoise/Kodak, Jurisdata : 1993-024434 ; Cass. Soc. 18 mars 2008, pourvoi n° 06-40.852).

En quoi consistent-ils ? L’huissier constate l’achat du produit contrefaisant, démontrant ainsi que le produit est bien commercialisé dans un endroit précis. Il a l’avantage de pouvoir constituer une preuve de la commercialisation simplement et à moindre coût.

Cependant, une jurisprudence récente est venue poser des limites strictes à cette possibilité de faire réaliser un constat non autorisé par un juge.

La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 29 janvier 2010 a fait annuler un constat d’achat au motif qu’un tel constat ne pouvait s’effectuer que de la voie publique. Or, en l’espèce le constat avait été réalisé dans un magasin et « quand bien même ce magasin est-il largement ouvert au public comme le fait valoir l’appelante, il demeure qu’il s’agit d’un lieu privé dans lequel l’huissier ne pouvait s’introduire à l’insu de la société Carrefour, sans y avoir été préalablement autorisé par le Président du Tribunal de Grande Instance ou son délégué ».

De même, si l’huissier non autorisé ne se borne pas sur internet à faire des captures d’écran mais procède à l’achat d’un produit sans s’identifier, le procès-verbal sera considéré comme nul car l’huissier ne s’est pas borné à constater (CA Versailles, 28 avril 2011, Juris-data : 2011-009652).

Par ailleurs, l’huissier se doit d’être attentif à ne pas effectuer une saisie contrefaçon déguisée en procédant à la description détaillée du bien acheté (TGI de Paris, 3ème Chambre 4e section, 10 juin 2010 RG 09/09853 et CA Versailles, 28 avril 2011, Juris-data : 2011-009652).
Les tribunaux sont en effet attentifs à ce que l’on ne puisse obtenir des preuves équivalentes à celles obtenues sur saisie contrefaçon sans autorisation du juge.

Le constat d’achat dans ces conditions a-t-il encore une quelconque efficacité?

D’une part, l’huissier peut contourner l’interdiction d’entrer dans un magasin considéré comme un lieu privé en envoyant une personne neutre effectuer l’achat dans le magasin et en constatant à la sortie du magasin la preuve de cet achat.

D’autre part, la jurisprudence ne semble pas définitivement fixée. Dans une affaire récemment jugée par la Cour d’appel de Montpellier, deux constats d’achats avaient été effectués, l’un par l’huissier lui-même et le deuxième par un tiers ; le contrefacteur allégué contestait la validité des deux procès-verbaux. La Cour a pu conclure que « Me X, huissier de justice n’a pas pratiqué de façon déguisée une saisie contrefaçon mais s’est bornée à dresser le constat d’achat par elle-même puis par un tiers dans un lieu précis, le supermarché « Carrefour » de Coquelles près de Calais et à des dates différentes (…) ; les dispositions du code de la propriété intellectuelle qui règlent exclusivement les opérations de saisie contrefaçon ne sont pas applicables ».

La Cour conclut que les procès-verbaux démontrent effectivement la contrefaçon de produits contrefaisants.

Il est cependant conseillé de faire procéder à l’achat par un tiers et de joindre des photos du produit, réalisées à l’extérieur du magasin après l’achat, de joindre la copie du ticket de caisse et des photos du produit au procès-verbal, sans que ces photos ne soient accompagnées d’une description du produit.

Cela implique que la contrefaçon soit suffisamment évidente pour que de simples photos suffisent à la démonter. Un tel constat sera effectué plus à propos sur une contrefaçon de marque que sur une contrefaçon de modèles.

En outre, la démonstration apportée est nécessairement limitée à la matérialité de l’infraction mais pour démontrer un préjudice, seule une saisie contrefaçon sera efficace, car elle permettra d’obtenir les documents comptables relatifs à la vente des produits.

Ainsi, le constat d’achat seul est une arme intéressante pour faire cesser une infraction et non pour en obtenir réparation.