L’International Bar Association (IBA) a adopté le 29 mai dernier une version révisée de ses « Rules of evidence ».
Ces règles de preuve sont couramment utilisées en arbitrage international en complément du règlement d’arbitrage de l’institution choisie ou dans un arbitrage ad’hoc. Cet outil dont l’usage est facultatif, mais qu’il est possible d’adopter dès la conclusion de la clause d’arbitrage ou dans l’acte de mission, permet aux parties de disposer d’une référence commune sur les modalités de présentation et d’administration de la preuve sous forme documentaire, testimoniale ou expertale.
Les parties et leurs arbitres peuvent choisir d’appliquer tout ou partie de ces règles ou simplement de s’en inspirer pour élaborer leur propre procédure en adéquation avec le contexte de l’affaire.
Les IBA Rules organisent un système d’administration de la preuve entre la Discovery américaine et le système continental où la communication des pièces est presque libre, puisqu’elle s’exerce sous le contrôle des arbitres.
La version 2010, élaborée à l’initiative de la commission d’arbitrage de l’IBA, intitulée « Rules on the Taking of Evidence in International Arbitration », remplace la version de 1999 « Rules on the Taking of Evidence in International commercial Arbitration ».
D’emblée on note la disparition du terme « commercial » qui sous-entend un champ d’application élargi à tous les types d’arbitrage internationaux.
Autre évidence, au premier regard, on compte 7 pages supplémentaires (21 contre 14 précédemment) !
Ces Rules rajeunies comptent toujours 9 articles, malgré l’ajout d’un nouvel article 2 (voir ci-dessous). L’ancien article 1, concernant la définition des termes employés, a perdu sa numérotation et fait suite au préambule. L’ancien article 2 (champ d’application) devient l’article 1. Les articles suivants sont modifiés mais leur objet reste le même.
Pour la plupart, les modifications consistent en l’apport de précisions et recommandations qui rendent le texte plus directif tout en insistant sur une plus grande implication des parties.
Pour l’essentiel les nouveautés concernent les points ci-dessous.
Une procédure efficace, économique et équitable, en toute bonne foi
Dès l’avant-propos de la nouvelle version, les principes sont posés :
« The IBA issued these Rules as a resource to parties and to arbitrators to provide an efficient, economical and fair process for the taking of evidence in international arbitration. »
Le terme « fairness » n’apparaissait qu’une fois dans la précédente version (et pas avant l’article 9) alors que le principe de « fairness » ou « fair process » est repris plusieurs fois dans la version 2010.
Un nouvel article 2, intitulé « Consultation on Evidentiary Issues », recommande au tribunal arbitral d’inviter les parties à se concerter le plus tôt possible en début de procédure sur les questions de preuve et propose une liste de points à examiner « with a view to agreeing on an efficient, economical and fair process for the taking of evidence ».
Tout au long du texte ces principes d’efficacité, d’économie et d’équité sont déclinés.
On notera aussi le mot de la fin (article 9.7, le dernier) ; qui invite le tribunal arbitral, face à une partie qui n’aurait pas agit de bonne foi dans l’administration de la preuve, de tenir compte de ce manquement dans la répartition des coûts de l’arbitrage. On atténue ainsi la règle du « cost follows the event ».
Des experts indépendants
La liste des éléments que doit contenir le rapport de l’expert nommé par les parties est complétée, notamment par l’obligation d’une affirmation d’indépendance vis-à-vis des parties, de leurs conseils et du tribunal arbitral. (article 5.2(c)).
Qu’il soit nommé par les parties ou par le tribunal arbitral, il est désormais demandé à l’expert sensiblement les mêmes déclarations quant à son indépendance, ses méthodes, les informations et documents desquels il tire ses conclusions…
La confidentialité (« legal privilege »)
L’article 9, sur l’admissibilité et l’évaluation de la preuve, est complété par un nouveau point 3 qui vient préciser dans quelles circonstances et selon quels critères, le tribunal arbitral peut exclure une preuve pour des raisons de confidentialité ou à cause de difficultés juridiques. Parmi ces critères, on retrouve le respect de l’équité : « the need to maintain fairness and equality as between the parties, particularly if they are subject to different legal or ethical rules ».
Les documents électroniques
La version de 1999 faisait une simple allusion à la forme électronique dans la définition du terme « document ».
La version 2010 ne définit pas, comme on aurait pu s’y attendre, une procédure spécifique aux documents électroniques mais apporte des précisions, visant semble-t-il à contenir dans la limite du raisonnable, le volume des documents demandés ou produits. C’est ainsi qu’on retrouve ici le souci de suivre une procédure efficace et économique.
A propos de la demande de pièces, article 3.3(a),
« in the case of Documents maintained in electronic form, the requesting Party may, or the Arbitral Tribunal may order that it shall be required to, identify specific files, search terms, individuals or other means of searching for such Documents in an efficient and economical manner; »
A propos de la production de pièce, article 3.12(b)
« Documents that a Party maintains in electronic form shall be submitted or produced in the form most convenient or economical to it that is reasonably usable by the recipients »
Pour conclure
Cette nouvelle version des « IBA Rules of Evidence » fait à sa manière écho aux critiques entendus ces derniers temps sur la longueur et le coût de la procédure d’arbitrage. Les rédacteurs ont manifestement fait leurs ces critiques et ont pris soin d’insister sur les éléments concourant à un déroulement efficace et à moindre coût de la procédure.
Les « IBA Rules of Evidence » sont consultables sur le site internet de l’IBA :
www.ibanet.org/Publications/publications_IBA_guides_and_free_materials.aspx
Elles sont applicables, comme mentionné sur le site de l’IBA, à tout arbitrage dans lequel les parties décident de leur application après le 29 mai 2010, aussi bien dans le cadre d’un nouvel arbitrage qu’au moment de déterminer la règle de procédure dans un arbitrage futur ou en cours.