Concrètement, le chapitre 15 du Bankruptcy Code peut être utilisé sous deux angles :

  • Un angle défensif aux fins de (i) suspendre une procédure contentieuse à l’encontre d’un débiteur étranger aux Etats-Unis ; (ii) sursoir à l’exécution d’une décision à l’encontre d’actifs situés aux Etats-Unis ; ou (iii) pour protéger les actifs du débiteur étranger contre les actions des créanciers sur des biens situés aux Etats-Unis.

 

  • Un angle offensif aux fins de (i) rendre opposable aux créanciers, y compris américains, les dispositions d’un plan de redressement approuvé par un tribunal étranger ; (ii) mettre en œuvre la vente des actifs d’un débiteur étranger quand ceux-ci sont situés aux Etats-Unis et dans le pays d’origine du débiteur ; (iii) accorder aux organes de la procédure des pouvoirs étendus d’enquête aux Etats-Unis ;  (iv) autoriser des actions en annulation initiées par les organes de la procédure, en vertu de lois étrangères, à l’encontre d’actes effectués par le débiteur antérieurement à l’ouverture de la procédure; ou (vi) prolonger les actions en annulation pendant deux ans.

Procédure

Une procédure dite « chapitre 15 » est initiée par requête déposée devant un tribunal américain des faillites, généralement au lieu du siège où se situent les actifs du débiteur, aux fins d’obtenir la reconnaissance de la procédure étrangère d’insolvabilité.
 
Cette requête doit :

  • être déposée par « un mandataire étranger » (c’est-à-dire une partie autorisée dans le cadre de la procédure d’insolvabilité étrangère à gérer les actifs du débiteur ou à agir pour le compte de celui-ci) ;
  • être accompagnée d’éléments de preuve (traduits en anglais) et déclarations identifiant la procédure d’insolvabilité étrangère du débiteur ;

Des demandes de mesures conservatoires (ainsi qu’une ordonnance d’interdiction temporaire) accompagnent souvent ces requêtes.
 
Une fois la requête déposée, le tribunal des faillites fixe une audience généralement 21 jours après le dépôt de la requête, à l’issue de laquelle il décidera de reconnaitre ou non la procédure étrangère.  .
 
S’il le tribunal des faillites reconnaît la procédure étrangère, ce peut être une « procédure étrangère principale » ou  « procédure étrangère secondaire. » 

  • La procédure étrangère sera qualifiée de « procédure principale » si elle est ouverte dans le pays où le débiteur à son « centre d’intérêt principal » (en anglais COMI). Le Bankruptcy Code ne définit pas le terme de « centre d’intérêt principal », mais il est présumé être celui du pays où est situé le siège social du débiteur. Cette présomption simple peut être réfutée par la prise en compte d’autres facteurs, tels que la situation  des employés, des actifs principaux et des créanciers.

 

  • Une procédure étrangère sera qualifiée de « procédure secondaire » si elle est ouverte dans un pays où le débiteur ne dispose que d’un  « établissement, » défini comme « tout lieu d’opération où le débiteur a des activités économique fixes ».

Le fait qu’une procédure étrangère soit considérée comme « principale » ou « secondaire » par le tribunal des faillites, aura un impact significatif sur la protection dont le débiteur étranger pourra se prévaloir.

Effets

Contrairement aux autres procédures prévues dans le Bankruptcy Code, le dépôt d’une requête « chapitre 15 » n’entraine pas l’arrêt « automatique » des procédures engagées contre des actifs ou la suspension de procédures contentieuses à l’encontre du débiteur.
 
Cependant, le tribunal des faillites peut ordonner des mesures conservatoires dans l’attente de la reconnaissance de la procédure étrangère, lorsqu’une « mesure immédiate est nécessaire afin de protéger les actifs du débiteur ou les intérêts des créanciers ».
 
Si tel est le cas, le tribunal peut, provisoirement, suspendre l’exécution à l’encontre des actifs du débiteur ou confier l’administration ou la réalisation des actifs en cause aux organes de la procédure étrangère.
 
La reconnaissance d’une procédure étrangère « principale » s’accompagne de mesures immédiates, notamment un sursis automatique des procédures, et l’autorisation de contrôler les opérations de l’entreprise du débiteur située sur le sol américain, y compris le droit « d’utiliser, de vendre ou de louer » ses actifs.
 
A l’inverse, la reconnaissance d’une procédure « secondaire »  ne permet pas d’obtenir la protection offerte par le sursis immédiat. Le débiteur étranger devra en faire la demande expresse auprès du tribunal.
 
Que ce soit dans le cadre d’une procédure principale ou secondaire, le tribunal peut ordonner toute mesure nécessaire à la réalisation des objectifs du « chapitre 15 » et ainsi protéger les actifs du débiteur étranger et les intérêts de ses créanciers.
 
A l’inverse, si une procédure étrangère n’est pas reconnue, l’entreprise sera privée de la protection du Bankruptcy Code, sauf pour l’exception très limitée du droit de collecter ou recouvrer une créance dont le débiteur serait propriétaire.
 
En conclusion, la procédure du chapitre 15 est une procédure simple, rapide et efficace qui peut être utilisée dans des situations très variées.
 
Cette procédure est très souvent utilisée par des entreprises implantés dans des pays de « Common Law », comme le Canada, les Etats-Unis ou encore l’Angleterre et vient de recevoir une application en France, dans l’affaire « TECHNICOLOR ».

Gageons que le recours à cette procédure devrait se développer rapidement du fait de l’internationalisation de la vie des affaires.