Une conférence internationale se déroulera les 25 & 26 mai, à Paisley en Écosse, pour marquer le quatre-vingtième anniversaire du célèbre jugement de Lord Atkin qui a établi en 1932 le « principe du prochain ». Pour la première fois au Royaume Uni, une responsabilité était reconnue selon la théorie qu’il fallait faire preuve d’une diligence suffisante pour éviter les actions ou les omissions qui auraient pu raisonnablement et de façon prévisible, blesser une personne dont on avait conscience de l’existence. La décision de Lord Atkin a fondé le concept moderne de « négligence » en droit des délits civils dans l’arrêt Donoghue v Stevenson rendu en 1932 par la Chambre des Lords.

Dans cette affaire, une amie de Mrs Donoghue (la demanderesse) lui avait acheté une limonade, servie dans une bouteille opaque, dans un café à Paisley. Après avoir bu une moitié de la boisson, Mrs Donoghue découvrit que la bouteille contenait un escargot noyé et décomposé par la limonade, et se sentit aussitôt indisposée et en état de choc. Le 9 Avril 1929, Mrs Donoghue intenta une action contre David Stevenson, le fabricant de limonade, visant à le condamner à payer £500 pour le préjudice subi. Les juges rejetèrent cette action, arguant du fait qu’ il n’existait pas de fondement contractuel, Mrs Donoghue n’ayant pas acheté la limonade elle-même. Mrs Donoghue a fait appel devant la Chambre des Lords.

L’arrêt rendu le 26 mai 1932 par Lord Atkin a posé le principe de responsabilité délictuelle comme suit :
« Les innombrables décisions de jurisprudence qui ont reconnu la responsabilité à l’égard d’un tiers doivent logiquement comporter un élément commun » qu’il convient de dégager et d’assigner au cas présent. Or, ce lien est conçu « par le principe général selon lequel certains rapports engendrent un devoir de prévoyance (duty of care) ; les décisions particulières analysées dans les traités de droit ne sont que des illustrations de ce concept ».

Alors qu’en droit français cette responsabilité découle des dispositions de l’article 1382 du Code civil, autrefois le Common law ne connaissait pas la responsabilité délictuelle. Il ne prévoyait que des cas particuliers d’actes illicites (torts), commis par violation d’un devoir ou d’une obligation de prévoyance et de prudence à l’égard de la victime. Cependant, cette obligation n’était pas universelle puisqu’elle n’existait pas vis-à-vis de tout tiers et n’incombait pas à tout un chacun.

Cette décision a permis de définir pour la première fois la responsabilité du fabricant, à savoir l’existence d’un devoir de prévoyance, même quand le plaignant n’avait pas de rapport contractuel avec l’auteur du fait dommageable, lorsque le consommateur ignore l’état de la marchandise avant de la consommer.

Une façon de nous rappeler qu’il faut « aimer son prochain » et d’éclaircir la réponse à la question inévitable de l’avocat, « Qui est mon prochain en droit ? ». Selon Lord Atkin la solution est la suivante : « les personnes qui sont si près et si directement touchées par mon acte qu’il est raisonnable que je pense à elles lorsque j’envisage les actes ou les omissions en question ».