En Juin 2016, le Royaume-Uni a voté en faveur du Brexit. Outre l’impact économique à court terme, les effets de cette décision se feront probablement sentir des années durant.

La procédure de sortie prévue par l’Article 50 du Traité sur l’Union européenne (TUE), dont nous avons beaucoup entendu parler ces derniers mois, soulève plusieurs questions tant en droit de l’Union européenne  qu’en doit constitutionnel anglais.

L’Article 50 TUE, introduit en 2009 par le Traité de Lisbonne, ouvre la possibilité à un État membre de « décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union » (Article 50(1)). Un État membre, le Groenland, a quitté la Communauté économique européenne en 1985. Cependant, aucun pays n’a jamais déclenché la procédure du nouvel Article 50.

L’État membre qui souhaite quitter l’Union doit notifier son intention au Conseil européen selon l’Article 50(2). S’ouvre ensuite une période de négociation de 2 ans. Le but est de trouver un accord pour encadrer les futures relations entre l’ancien État membre (pays-tiers) et l’UE. Ils devront se mettre d’accord sur les termes du divorce. Le processus est conçu pour donner à l’UE la main sur les modalités de départ. Selon Andrew Duff, un ancien eurodéputé démocrate libéral, qui a aidé à mettre au point l’Article 50 : « Nous ne pouvions pas permettre à un État sécessionniste de retarder la procédure trop longtemps. La clause met la plupart des cartes entre les mains de ceux qui restent dans l’UE ».

L’Article 50 prévoit en son premier paragraphe que le retrait pour tout État membre de l’Union européenne  doit s’effectuer en conformité avec les règles constitutionnelles du pays sortant.
La position définitive du Royaume-Uni doit donc être fixée au regard de ses propres règles constitutionnelles. Or, au flou juridique de l’Article 50 TUE, s’ajoute l’incertitude constitutionnelle quant à la compétence du pouvoir exécutif pour transmettre la notification définitive de sortie de l’Union européenne  au Conseil européen, telle que prévue par l’Article 50(2).

Outre-Manche un vif débat est en passe d’être tranché. En effet, se posait la question de savoir si le Premier ministre, Theresa May devait nécessairement attendre la validation du référendum par le Parlement ou si elle disposait de la compétence suffisante pour transmettre directement la notification au Conseil européen. Le Premier ministre représentant le pouvoir royal, ses décisions n’ont pas besoin d’être validées par le Parlement pour engager le Royaume-Uni, même concernant la politique extérieure du pays. Certains opposent cependant que le référendum n’ayant qu’une valeur consultative, l’aval du Parlement serait requis.

Après consultation d’une horde de juristes du gouvernement, spécialistes du droit constitutionnel, il a été confirmé que Theresa May pouvait directement déclencher la procédure de l’article 50 sans attendre un vote en ce sens du Parlement.

En parallèle du travail des juristes consultés, une question prioritaire de constitutionnalité a été transmise à la Haute Cour. D’ici mi-octobre cette dernière devrait se prononcer sur la nécessité de soumettre la notification de l’Article 50 au vote des deux chambres du Parlement. Et n’en déplaise à certains, Theresa May se doit d’attendre la décision de la Haute Cour avant de déclencher la procédure de sortie de l’Union européenne. Après la décision, une procédure devant la Cour Suprême n’est pas à exclure.

L’enjeu est double : tout d’abord la majorité parlementaire a soutenu le « Bremain » donc, stratégiquement, les défendeurs du Brexit souhaitent que Theresa May déclenche au plus vite l’Article 50, sans l’aval du Parlement. Par ailleurs, le gain de temps est l’objectif principal car une fois déclenchée, la procédure de l’Article 50 donne deux ans aux États membres et à l’État sortant pour négocier les conditions de l’« Après  Brexit ». Or, avant de négocier, faut-il encore que le Royaume-Uni ait déterminé pour quel « Après Brexit » il souhaite opter…

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