L’économie sociale et solidaire est un concept ancien qui s’est fortement développé avec l’apparition des premières mutuelles. Aux frontières de la gouvernance, du droit des sociétés et du droit social, ce sujet est très débattu à l’heure actuelle. Au cours de ces dernières années, nombre d’analystes ont constaté que le libre jeu du marché ne suffisait pas à assurer le développement. Certaines idées, comme celles de l’entreprise solidaire, ont trouvé leur place dans notre corpus juridique aux côtés de la responsabilité sociale d’entreprise ou d’études sur des indices alternatifs au PIB.

L’article 19 de la Loi n° 2001-152 sur l’épargne salariale a défini le régime juridique de l’entreprise solidaire, plusieurs fois modifié par retouches successives de l’article L 443-3-1 du Code du Travail. Puis l’article 81 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a encore modifié la définition des entreprises solidaires .

En vertu du nouvel article L.3332-17-1 du Code du Travail : « Sont considérées comme entreprises solidaires au sens du présent article les entreprises dont les titres de capital, lorsqu’ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et qui :

-soit emploient des salariés dans le cadre des contrats aidés ou en situation d’insertion professionnelle ;

-soit, si elles sont constituées sous forme d’associations, de coopératives, de mutuelles, d’institutions de prévoyance ou de sociétés dont les dirigeants sont élus par les salariés, les adhérents ou les sociétaires, remplissent certaines règles en matière de rémunération de leurs dirigeants et salariés.

Ces règles sont définies par décret.

Les entreprises solidaires sont agrées par l’autorité administrative.

Sont assimilés à ces entreprises les organismes dont l’actif est composé pour au moins 35% de titres émis par des entreprises solidaires ou les établissements de crédit dont 80% de l’ensemble des prêts et des investissements sont effectués en faveur des entreprises solidaires. »

Cette nouvelle définition a fait débat en raison de l’élargissement opéré, d’autant que l’un des intérêts de cette structure est de bénéficier d’avantages fiscaux et de subventions publiques. L’ancien article L.443-3-2 du Code du travail, issu de la loi sur l’épargne salariale de 2001, était beaucoup plus restrictif. Il définissait les personnes susceptibles d’être recrutées, les règles en matière de rémunération des dirigeants et des salariés ou la nature des titres susceptibles d’être émis par ces entreprises. Un député a d’ailleurs fait observer, de manière un peu provocante, que grâce au nouveau dispositif « Leclerc pourrait être demain une entreprise solidaire ».

Le décret n° 2009-304 du 18 mars 2009 arrive à temps pour tenter d’apaiser ces débats passionnés.

Le nouveau dispositif complète l’alinéa 2 de l’article L.3332-17-1 en le simplifiant, par rapport à l’ancien article L 443-3-2 du Code du Travail, et cible de façon plus précise les personnes susceptibles d’être recrutées au sein des entreprises solidaires. Le décret ne semble oublier aucune catégorie de personnes en difficulté ayant vocation à intégrer les entreprises solidaires.

Le nouveau dispositif complète aussi le troisième alinéa de l’article L.3332-17-1 qui plafonne la rémunération des dirigeants à « cinq fois la rémunération annuelle perçue par un salarié à temps complet sur la base de la durée légale du travail et du salaire minimum de croissance ». Ce texte, qui concerne toutes les entreprises solidaires mentionnées au troisième alinéa de l’article L.3332-17-1, contrairement à l’ancien article L.443-3-2 du Code du Travail, diminue nettement les rémunérations accordées aux dirigeants et aux salariés de ces structures. Ainsi, le plafond des sommes versées passe de 48 à 5 fois la rémunération mensuelle perçue par un salarié à temps plein sur la base du salaire minimum de croissance. Cette mesure, sans doute destinée à accentuer l’aspect désintéressé au sein des entreprises solidaires, risque bien d’entraîner une désaffection pour les dirigeants en charge de ce genre d’entités, d’autant qu’il n’existe que 203.000 établissements employeurs de ce type en France. En conséquence, ce décret ne devrait avoir qu’une influence relative sur notre économie.

Si l’entreprise solidaire est toujours agréée par décision du préfet du département où l’entreprise a son siège social, celui-ci statue dorénavant dans un délai maximal de trois mois suivant le dépôt de la demande, l’absence de réponse dans ce délai valant acceptation. La durée d’agrément est de deux ans sur première demande et cinq sur renouvellement. Les structures mentionnées à l’article L.5213-13 sont agréées de plein droit (entreprises adaptées, conventionnées par l’Etat, par exemple).

Concernant la nature des titres susceptibles d’être émis par ces entreprises et les informations à porter en annexe du bilan, le régime ne change pas.

Fallait-il faire tout ceci pour un résultat aussi maigre ? Il n’est pas certain que la réponse puisse être positive. Si les enjeux de l’exercice par des sociétés commerciales de missions de service public ou d’intérêt collectif sont fondamentaux pour nos sociétés, ils ne semblent pas encore être parvenus jusqu’à l’Hémicycle. Il est peut être temps de s’y pencher?