Loi n°2018-771 du 5 septembre 2018
Décret d’application n°2019-555 du 4 juin 2019

La loi dite « Avenir Professionnel » a apporté d’importants changements au détachement de travailleurs d’entreprises étrangères sur le territoire français. La parution du décret n°2019-555 du 4 juin 2019 est l’occasion de faire le point sur les principales modifications.

Définition du salarié détaché

Dans sa nouvelle rédaction, l’article L. 1261-3 du Code du travail précise que le salarié détaché est le « Salarié d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et travaillant habituellement pour le compte de celui-ci hors du territoire national, qui exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national ». Est ainsi gravé dans le marbre le fait que le travailleur détaché, non seulement est salarié d’une entreprise étrangère, mais, également, que lui-même exerce son activité habituellement hors de France. Cette précision est venue combler une omission de rédaction qui pouvait encourager certaines entreprises étrangères à « détacher » en France des salariés résidant en France.

Allègement des formalités préalables au détachement 

On rappelle qu’il existe trois types de détachements visés à l’article L. 1262-1 du Code du travail :

  • Prestation de services ;
  • Intragroupe – au sein d’une entité différente mais appartenant à la même entreprise ou au même groupe : il s’agit typiquement de la mise à disposition de personnel intragroupe ;
  • Pour le compte de l’employeur : « sans qu’il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire » ; concrètement, il s’agit, par exemple, de l’entreprise étrangère qui envoie des salariés pour prospecter sur le territoire français ou participer à des événements (de type sportif ou commercial).

Pour le détachement pour le compte de l’employeur, deux formalités préalables au détachement sont désormais supprimées (article L. 1262-2-1 du Code du travail) :

  1. La déclaration préalable auprès de l’inspection du travail (déclaration SIPSI)
  2. L’obligation de désigner un représentant de l’entreprise sur le territoire national

Ces obligations ne subsistent plus que pour le détachement intragroupe et dans le cadre d’une prestation de services (qui sont désormais seuls visés dans la nouvelle version de l’article).

« Aménagements » possibles pour les deux autres types de détachement 

Pour certains détachements intragroupe ou faits dans le cadre d’une prestation de services, il est possible d’obtenir des aménagements permettant d’assouplir les obligations préalables auprès de l’administration.

Cela concerne :

  • des employeurs détachant de manière récurrente des salariés (article L. 1263-8 du Code du travail) ou
  • des détachements pour des opérations de courte durée ou dans le cadre d’événements ponctuels, si les salariés détachés exercent une activité dont la liste est fixée par arrêté ministériel (article L. 1262-6 du Code du travail).

Ces aménagements sont inapplicables au travail temporaire. Les aménagements seront précisés par décret.

Suppression de la contribution financière

La contribution financière de 40 euros était, de fait, déjà supprimée depuis le décret du 9 février 2018 (abrogation de l’article R.1263-20 du Code du travail). La loi se borne à entériner cette évolution.

Pouvoir de communication élargi des autorités de contrôle
(articles L. 8113-5-1 et L. 8113-5-2 du Code du travail) :

L’inspecteur chargé du contrôle du travail illégal a désormais accès à tout document utile (comptable, professionnel ou autre) sous quelle que forme que ce soit, y compris électronique – il doit avoir accès aux logiciels et données stockées.

Il peut se faire communiquer toute information utile auprès de tout tiers visé aux articles L82A et suivants du Livre des procédures fiscales, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé, à l’exception de certains tiers visés dans le nouveau texte (il s’agit notamment des douanes, du ministère public, des organismes de statistique publique).

Sanctions administratives

  • Le montant des amendes administratives est doublé de 2 000 à 4 000 euros par salarié concerné – (article L. 8115-3 modifié) et de 4 000 à 8 000 euros par salarié concerné en cas de réitération dans un délai de deux ans et non plus d’un an comme auparavant (article L. 1254-3 modifié).
  • Le recours à l’encontre du prononcé de ces amendes n’a plus d’effet suspensif : elles doivent quand même être payées.
  • L’administration peut suspendre la prestation de service d’une entreprise étrangère (2 mois renouvelables) qui ne s’est pas acquittée de ses amendes, avant même que la prestation ne démarre.

Sanctions pénales

  • En cas de condamnation pour travail dissimulé, le juge pénal est désormais tenu d’ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision lorsque l’infraction est commise sur un mineur ou en bande organisée (article L. 8224-3 modifié) – ce n’était auparavant qu’une faculté.
  • L’affichage ou la diffusion devra désormais intervenir sur un site internet dédié (« liste noire ») et durera un an. Le décret 2019-555 du 4 juin 2019 a modifié l’article R. 8211-1 du Code du travail pour tenir compte de cette modification).

Vérifications à la charge du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage avec un prestataire de service qui détache des travailleurs 

L’article L.1262-4-1 III du Code du travail, créé par la loi Avenir professionnel, créé une nouvelle obligation au moment de la conclusion d’un contrat : celle de vérifier que le cocontractant s’est acquitté des amendes administratives qu’il doit payer s’il a contrevenu aux formalités obligatoires en cas de détachement.

Nouveau cas de travail dissimulé 

Enfin, l’article L.8221-3, 3°du Code du travail, créé par la loi Avenir Professionnel, créé un nouveau cas de travail dissimulé :  le fait de se prévaloir « des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l’employeur de ces derniers exerce dans l’État sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue ». Cette infraction est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Contact : coline.bied-charreton@squirepb.com