
Qu’il s’agisse d’attirer une nouvelle clientèle, de tester un emplacement, un marché ou un nouveau produit, nombreuses sont les raisons qui poussent les entreprises à rechercher des espaces d’accueil temporaires pour y réaliser leurs projets.
C’est ainsi que fleurissent des « Corners » temporaires au sein de grands magasins, des « Pop-up stores » aussi nommés « Magasins éphémères » le temps d’un évènement, d’une saison ou de quelques mois. L’engouement pour de tels partenariats est de plus en plus grand et nécessite de sécuriser juridiquement l’occupation.
Les bailleurs trouvent également un intérêt avec ce type d’occupation qui leur permet d’accroître la rentabilité de leur local sans engagement sur la durée. Habitués au traditionnel (et engageant) « bail commercial » encadrant les relations à long terme dans leurs locaux avec les preneurs à bail, les bailleurs sont parfois démunis sur le type de contrat à proposer aux opérateurs désireux de s’installer temporairement dans leurs locaux et/ou de manière partagée.
En l’état actuel de la législation, il n’existe pas de type de contrat parfaitement adapté à ces situations, ce qui rend la tâche d’autant plus complexe pour les opérateurs.
Dans ce contexte, il est proposé une revue des contrats encadrés par la loi et de leurs particularités au regard de ce type d’occupation.
Quels sont les types de contrats prévus par la loi ?
Sans exhaustivité, les contrats suivants peuvent être mobilisés pour encadrer ce type d’opérations, parfois à tort, le contenu du contrat et la réalité de l’opération se trouvant souvent en contrariété avec l’une ou l’autre des conditions d’application à respecter.
Bail civil
Il s’agit du bail de droit commun. En l’absence de bail dont la qualification s’impose de façon impérative à la relation contractuelle, le contrat doit être qualifié de bail civil.
Conditions d’application cumulatives.
- Le contrat est conclu à titre onéreux.
- La durée du bail n’est pas perpétuelle.
- Le locataire bénéficie de la libre disposition des lieux à titre exclusif.
Particularités. Dans le cas d’un « Pop-up store » ou d’un « Corner », la difficulté de qualification de « bail civil » repose sur la condition de jouissance libre et exclusive. Le partage des lieux avec un autre partenaire ou les contraintes horaires imposées pour la jouissance des lieux pourraient s’opposer à la qualification de bail.
Dispositions légales. Articles 1713 et suivants du code civil.
Bail commercial
Le bail commercial est bien connu des acteurs de la distribution, de l’hôtellerie ou de la restauration. La qualification de bail commercial s’impose dès lors que les conditions d’application sont remplies. De nombreuses règles issues du statut des baux commerciaux étant impératives, il ne sera pas possible d’y déroger.
Conditions d’application cumulatives.
- L’exigence d’un bail valide.
- Un bail portant sur un local.
- L’exploitation d’un fonds de commerce.
- L’immatriculation du preneur au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).
Particularités. L’installation d’un magasin pour plusieurs mois, pour lequel la société occupante a réalisé des travaux dans les locaux afin de les adapter à son occupation temporaire et bénéficiant de l’usage des locaux sans restriction, entraîne un risque de requalification en bail commercial.
Grâce à la possibilité de conclure un « bail dérogatoire » pour une durée inférieure à trois ans, les parties peuvent renoncer au statut des baux commerciaux, il sera dans ce cas important d’être vigilant et précautionneux dans la rédaction du contrat et le respect des échéances, afin d’éviter la requalification en bail commercial.
Dispositions légales. Articles L.145-1 à L.145-60 du code de commerce.
Convention d’occupation précaire
Utilisée pendant longtemps par les juges sans consécration légale, le code de commerce a désormais consacré la convention d’occupation précaire, qui fait souvent l’objet de confusions de la part des opérateurs.
Conditions d’application cumulatives.
- La fragilité des droits de l’occupant.
- L’existence de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties, légitimant la précarité.
Particularités. Les parties pensent souvent bien faire en qualifiant la convention conclue de « bail précaire » ou de « convention d’occupation précaire », pensant légitimement que la précarité renvoie au caractère temporaire du magasin éphémère ou de l’occupation d’un corner de magasin. Pourtant, juridiquement, une telle qualification porte à confusion :
- Premièrement la qualification de « bail précaire » relève d’un non-sens juridique puisque par définition si l’occupation est précaire elle ne donne pas lieu à la qualification de bail.
- Deuxièmement, la convention d’occupation précaire ne peut être qualifiée comme telle que si la précarité résulte de circonstances indépendantes de la volonté des parties. Or, ici, l’occupation est éphémère par le souhait des parties. Il en serait différemment s’il s’agissait d’occuper temporairement un bâtiment non utilisé destiné à être exproprié par exemple.
Dispositions légales. Article L.145-5-1 du code de commerce.
Contrat de prêt à usage
Si l’occupation temporaire des lieux ne fait l’objet d’aucune contrepartie, la qualification est bien plus aisée, il s’agit d’un contrat de prêt à usage.
Conditions d’applications cumulatives.
- Le lieu est prêté et non donné.
- Le prêt du lieu ne fait l’objet d’aucune contrepartie onéreuse.
Particularités. L’absence de loyer ou de « rémunération » de la mise à disposition ne signifie pas contrat de prêt à usage. Si le propriétaire des lieux reçoit une contrepartie sous une autre forme que pécuniaire, la qualification de ce type de contrat pourrait être exclue.
Dispositions légales. Les articles 1875 à 1891 du code civil.
Lorsqu’aucun contrat légalement nommé ne peut être qualifié, quelles solutions sont envisagées ?
Il arrive régulièrement pour ce type d’occupation qu’une condition fasse défaut à chacun des contrats nommés ci-avant, dans un tel cas, il est d’autant plus important d’être vigilant sur la rédaction des clauses du contrat. Le risque de requalification peut être important et conduire à l’application de dispositions légales désavantageuses à l’une ou l’autre des parties, sans que celle-ci ait pu en anticiper le risque.
L’usage de la convention de mise à disposition. Pour pallier la difficulté, les parties usent régulièrement d’une convention qu’elles nomment « convention de mise à disposition » qui encadre précisément les conditions qui vont régir leurs relations contractuelles. Aucune disposition légale ne prévoit de régime juridique applicable à une convention de mise à disposition. Il est en conséquence d’autant plus important que les parties encadrent précisément les conditions de la mise à disposition (durée, prix, responsabilité en cas de dégradation des locaux, etc.). A défaut, en cas de conflit, il n’existerait pas de disposition légale supplétive de volonté sur laquelle se fonder.
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Nos équipes accompagnent les opérationnels pour la qualification juridique de leurs conventions, leur rédaction ou leur négociation ainsi que pour intenter une éventuelle action en requalification.