L’administration s’estimait fondée au cas particulier, à remettre en cause ce régime de sursis en présence d’un apport suivi rapidement d’une cession des titres par la société bénéficiaire, en se fondant sur la théorie de l’abus de droit issue de la décision du Conseil d’Etat du 10 juin 1981 qui autorise l’administration à sanctionner les actes qui "n’ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d’éluder ou atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles".
L’administration a considéré que la cession de titres avait été envisagée avant leur apport à la société et que cette interposition d’une société n’avait été créée que dans le but de bénéficier du report d’imposition de la plus-value.
Dans les deux affaires jugées par le tribunal administratif, la cession des titres par une société civile, créée ad hoc et ayant opté pour l’impôt sur les sociétés, est effectivement intervenue moins de deux mois après leur apport par des personnes physiques, pour un prix strictement égal à leur valeur d’apport.
L’administration, de même que le Comité consultatif pour la répression des abus de droit, a considéré qu’il s’agissait d’une fraude et a appliqué des redressements, intérêts de retard et majoration de 80% pour fraude.
Le tribunal administratif a censuré les griefs d’abus de droit imputés aux contribuables, en s’inscrivant dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui a précisé dans l’arrêt "Segal" du 18 mai 2005, que l’abus de droit suppose des "montages purement artificiels dont le seul objet est de contourner la législation fiscale".
Le tribunal a constaté l’absence "d’exclusivisme" fiscal et considéré que la création des sociétés civiles par les contribuables s’était inscrite dans le cadre d’une réorientation professionnelle et d’une transmission progressive du patrimoine aux enfants des contribuables. L’apport des titres suivi de leur cession par les sociétés n’avait donc pas un but exclusivement fiscal.
Comme le rappelaient certains praticiens, espérons que cette récente jurisprudence administrative ralentira la pratique de l’administration visant à faire de l’abus de droit une chasse à l’habileté fiscale.