À partir du 1er décembre 2019, les modalités d’instruction des déclarations d’accidents et de maladies d’origine professionnelle évoluent.
Cette évolution résulte (i) du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019 et (ii) de la circulaire de l’assurance maladie n°28/209 du 9 août 2019 qui en précise les modalités d’application.
Les nouvelles dispositions s‘appliquent à tout nouveau sinistre déclaré à compter du 1er décembre 2019. Salariés et employeurs devront être attentifs, les enjeux respectifs étant significatifs. En effet, en fonction de la décision de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), les frais de santé du salarié seront ou non pris en charge et il recevra (ou pas) un revenu de remplacement en cas d’incapacité temporaire de travail et une rente en cas de séquelle. De son côté, l’employeur pourra voir son taux de cotisations AT/MP être augmenté.
L’objectif principal de la réforme est de favoriser une meilleure lisibilité du droit applicable et une plus grande transparence, grâce à une amélioration du respect du contradictoire avant que la caisse d’assurance maladie ne prenne sa décision.
Sur la reconnaissance des accidents du travail, la réforme poursuit trois objectifs.
1. Permettre à l’employeur d’émettre des réserves étayées dans un « délai compatible et à bon escient »
L’employeur disposera de 10 jours francs à compter de la déclaration de l’accident (DAT). Attention, il s’agit de la « date de rédaction » mentionnée sur la DAT (et non de la date d’envoi). L’employeur n’aura donc plus à envoyer des réserves conservatoires concomitamment à l’envoi de la DAT pour être certain que la CPAM les reçoive avant qu’elle ne prenne sa décision.
2.Améliorer la lisibilité des délais
Les « délais complémentaires » sont remplacés par un délai de 30 jours pour que la CPAM décide de statuer ou d’engager des investigations et de 90 jours pour que la CPAM statue si elle a engagé des investigations. Ces délais courent à compter de la réception de la DAT et du certificat médical initial (CMI). En cas d’investigations, la CPAM adressera un courrier RAR à la victime et à l’employeur pour les informer qu’un questionnaire sur les circonstances et les causes de l’accident est mis à leur disposition en ligne (https://questionnaires-risquepro.ameli.fr) ou au sein des CPAM. Lors de cet envoi, la caisse les informera également des dates clefs de la procédure.
3. Renforcer le contradictoire
En cas d’investigations, le dossier est mis à disposition des parties dans les 70 jours de la réception de la DAT et du CMI et les parties ont alors 10 jours pour formuler leurs observations sur les pièces le composant.
Pour ce qui est de la reconnaissance des maladies professionnelles (non détaillée ici), la réforme ambitionne de :
- clarifier les délais de gestion de chaque étape de la procédure et instaurer un contradictoire avant la saisine du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) ; et
- améliorer la qualité du dossier pour le CRRMP.
Concernant la reconnaissance des rechutes et des nouvelles lésions, aucune procédure spécifique n’était jusqu’alors prévue pour leur étude, si ce n’est un renvoi aux dispositions générales pour les seules rechutes. Désormais, une procédure spécifique unifiée est mise en place. La CPAM aura 60 jours francs à compter de la réception du certificat médical faisant état de la rechute ou de la nouvelle lésion pour statuer sur son caractère professionnel et son lien avec l’accident ou la maladie concerné.
À l’occasion de l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure, la CNAM mettra en place :
- un « questionnaire risques professionnels » à remplir sur une interface internet avec un système intégré d’assistance et d’ajout de commentaires ;
- la consultation en ligne du dossier pour accéder et commenter les pièces du dossier, étant précisé que dès qu’un commentaire est inscrit par une partie, l’autre reçoit immédiatement une notification pour l’en informer. Lors de la phase « d’enrichissement du dossier », les pièces complémentaires pourront également être déposées en ligne (service qui devrait être opérationnel d’ici janvier 2020) ;
- un service de rappel de l’échéance des dates de consultation du dossier contradictoire.
En principe, les assurés et les employeurs pourront ainsi plus facilement gérer leurs démarches. L’envoi de courriers recommandés ne sera plus systématiquement requis. Tant la déclaration par le salarié de son accident du travail à l’employeur que la déclaration par l’employeur de l’accident de travail à la caisse seront par exemple faites « par tout moyen conférant date certaine à sa réception » (nouveaux articles R. 441-2 et 3 du Code de la sécurité social). Le salarié pourra donc informer son employeur de la survenance de son accident en lui adressant un courriel. L’employeur continuera quant à lui à déclarer l’accident (DAT) sur le site Net-entreprises. L’interface internet leur permettra par ailleurs de bénéficier d’un service amélioré (aide en ligne, disponibilité 24/24, notifications…).
À noter que tous les délais de la procédure sont désormais exprimés en jours francs qui se comptent (i) à compter du lendemain de l’acte ou de l’évènement marquant le départ du délai (ii) jusqu’au jour suivant l’expiration du délai ainsi compté. Si ce jour tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est reporté au jour ouvrable suivant.
En cas de non-respect par la caisse de certains délais (point 4.2 de la circulaire), l’accident ou la maladie est implicitement reconnu d’origine professionnelle. Si cette reconnaissance implicite s’accompagne d’un non-respect de la procédure contradictoire, en cas de contestation de l’employeur par une saisine de la commission de recours amiable (CRA) de la caisse sur ce motif, la caisse primaire pourra (dans le délai imparti à la CRA pour statuer) rapporter sa décision et accorder l’inopposabilité du sinistre avant tout passage du dossier devant la CRA et en avisera la CARSAT compétente.
Reste à voir si la pratique sera conforme aux attentes…
Cet article a été écrit par Cristelle Devergies-Bouron