Le dix-neuvième concours d’arbitrage international de Vienne « Williem C. Vis International commercial arbitration Moot » a rassemblé 285 universités et écoles en provenance de 71 pays, du 29 mars au 5 avril dernier.
Cette compétition permet à des étudiants de cultures juridiques différentes de travailler sur le même cas concret de droit du commerce international et d’arbitrage durant près de six mois. Les équipes s’affrontent lors de deux grandes étapes. En premier lieu, les phases écrites (octobre à janvier) sont l’occasion de rédiger deux mémoires en anglais représentant alternativement les intérêts du demandeur et du défendeur. En second lieu, les phases « orales » (février à mars) permettent aux équipes de s’opposer dans le cadre de plaidoiries.
Le sujet unique proposé aux étudiants contient traditionnellement deux problèmes de droit. D’une part, une question de responsabilité contractuelle pour laquelle la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises est applicable. D’autre part, une question de procédure permet d’utiliser le règlement de l’institution arbitrale sélectionnée pour le « Moot ».
Cette année, le sujet était soumis au nouveau règlement d’arbitrage CIETAC, entré en vigueur le 1er mai dernier. La question de procédure soulevée n’était pas dénuée d’intérêt, pointant un des défis que l’arbitrage international devra vraisemblablement relever : la question de la récusation des conseils des parties.
Dans le cas soumis aux étudiants, une des questions les plus vivement débattues concernait les relations d’ordre personnel et professionnel qu’un des conseils du demandeur entretenait avec le Président du tribunal arbitral. Ces relations particulières n’avaient pas été divulguées et l’arrivée du conseil dans l’équipe du demandeur avait été annoncée après la constitution du tribunal arbitral.
Dès lors qu’elles défendaient les intérêts du défendeur, les équipes étaient tenues de développer des arguments en faveur de la récusation du conseil de la partie adverse. Or, aucune disposition ne vise expressément la récusation des conseils des parties. Un tribunal arbitral dispose-t-il du pouvoir de statuer sur une telle question ? Une réponse par l’affirmative pouvait être justifiée par la mission du tribunal de gérer toutes les questions de procédure – même en l’absence de disposition expresse. Par ailleurs, ne pas faire droit à la demande de récusation du conseil risquait de mettre en péril l’intégrité de la procédure et la crédibilité du tribunal.
La décision Hrvatska v. Slovenia, rendue en matière d’investissement international, a été largement invoquée par les plaideurs, s’agissant du seul cas où un tribunal arbitral a effectivement récusé le conseil d’une des parties. Dans cette affaire, le défendeur communiqua dix jours avant le début des plaidoiries le nom des conseils qui y assisteraient. Or, il est apparu qu’un des conseils qui n’avait pas été préalablement identifié faisait partie de la même chamber de Barristers que le Président du tribunal arbitral. Dès lors, le demandeur sollicita en vain des informations complémentaires sur les relations professionnelle et personnelle unissant le conseil et le Président, ainsi que sur le rôle que ce conseil aurait au cours des plaidoiries. Tel est le contexte dans lequel le tribunal arbitral s’est reconnu compétent pour modifier la composition d’une équipe de conseils.
La possibilité de récuser un conseil, calquée sur la procédure de récusation d’un arbitre, est intéressante car moins onéreuse et plus rapide que la procédure de récusation de l’arbitre lui-même. Reste cependant à confirmer que le droit des parties d’être représentées par toute personne de leur choix et de faire valoir leurs droits soit respecté ! Le pouvoir disciplinaire du tribunal est une voie à approfondir.
Outre le débat juridique, participer au Vis Moot, c’est s’investir pleinement dans une équipe unie pour représenter les couleurs de son Université ou de son Ecole. Expérience atypique de l’éducation juridique, le Moot nécessite un grand investissement : six mois de préparation intensive et une semaine à Vienne qui cristallise les efforts des équipes participantes et de leur coach. Entre « feedback » post-plaidoiries et débats sur l’interprétation du cas ou des problèmes de droit, les étudiants échangent avec les professionnels et les coach, s’initiant au développement d’un réseau, découvrant ainsi l’arbitrage et le contentieux international. L’expérience est unique. L’année prochaine, à Vienne.