La loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure n°2011-267 du 14 mars 2011 dite « LOPPSI 2 » est notamment venue réformer la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 quant au régime de la vidéoprotection. A cette occasion, l’appellation « vidéoprotection » vient remplacer le terme « vidéosurveillance ». La LOPPSI 2 a pour but de développer le recours aux dispositifs de vidéoprotection tout en prévoyant certains garde-fous.
1. Généralités
Les systèmes de vidéoprotection font l’objet d’une réglementation afin de protéger la vie privée des personnes filmées. Ainsi, le public est informé de manière claire et permanente de l’existence d’un système de vidéoprotection et de l’autorité responsable, à l’aide de panonceaux. En outre, les images collectées par les systèmes de vidéoprotection ne peuvent être conservées que pour une durée maximale d’un mois.
Les systèmes de vidéoprotection ont un régime juridique différent selon qu’ils sont localisés dans des lieux ouverts au public ou non.
Les dispositifs de vidéoprotection installés dans des lieux privés sont régis par la loi n°78-17 Informatique et Libertés du 6 janvier 1978. Selon la délibération de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) n° 94-056 du 21 juin 1994, lorsque le dispositif de vidéoprotection opère un enregistrement d’images, la vidéoprotection est un traitement de données personnelles devant faire l’objet d’une déclaration.
Les dispositifs de vidéoprotection installés dans les lieux ouverts au public sont pour leur part régis par la loi n°95-73 du 21 janvier 1995. Leur installation est soumise à une autorisation du représentant de l’État dans le département ou du préfet de police de Paris, délivrée pour une durée de cinq ans renouvelable, après avis de la commission départementale des systèmes de vidéoprotection (sauf en matière de défense nationale). Ces systèmes de vidéoprotection sont installés de telle sorte qu’ils ne visualisent pas les images de l’intérieur des immeubles d’habitation ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
2. Le développement de la vidéoprotection
a. L’extension du champ des systèmes installés dans les lieux publics
Les dispositifs de vidéoprotection dans les lieux publics ne peuvent être installés que pour des finalités précises, listées dans la loi du 21 janvier 1995, à savoir :
• la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ;
• la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ;
• la régulation du trafic routier et la constatation des infractions aux règles de la circulation ;
• la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux
particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ;
• la prévention d’actes de terrorisme, depuis la loi n°2006-64 du 23 janvier 2006.
La loi LOPPSI 2 est venue élargir le champ d’application en ajoutant les finalités suivantes :
• la régulation de tous les flux de transport, et non plus seulement celui du trafic routier ;
• la prévention des risques naturels ou technologiques ;
• le secours aux personnes et la défense contre l’incendie ;
• la sécurité des installations accueillant du public dans les parcs d’attraction ;
• la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques de trafic de stupéfiants ; et
• la prévention, dans des zones particulièrement exposées à ces infractions, des fraudes douanières.
b. L’élargissement du cercle des personnes ayant accès à la vidéoprotection
L’autorisation préalable pour les systèmes dans les lieux ouverts au public délimite les destinataires des images enregistrées par ces dispositifs. Ce peut être des agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationale. La loi LOPSI 2 est venue élargir le cercle des personnes titulaires du droit d’accès à la vidéoprotection aux agents des douanes et des services d’incendie et de secours.
En revanche, le projet de loi prévoyait la possibilité pour les autorités publiques de déléguer l’exploitation et le visionnage de la vidéoprotection à des personnes privées. La CNIL, dans sa note d’observation du 6 mai 2010, indiquait qu’une telle délégation à des opérateurs privés était susceptible de porter atteinte à l’intégrité du processus en termes de fiabilité et de sécurité. Elle relevait en outre un risque de sous-traitance externalisée vers des pays tiers, rendant impossible tout contrôle sur le territoire national. Dans sa décision n°2011-625 en date du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel, suivant l’avis de la CNIL, a censuré ces dispositions de la LOPPSI II au motif que cela permettait de déléguer à une personne privée des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la « force publique ».
Sur le même fondement, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la loi LOPPSI 2 qui prévoyait que des personnes privées puissent étendre leur système de vidéoprotection se trouvant dans leur bâtiment, à une vision de la voie publique dès lors qu’il s’agissait « d’assurer la protection des abords des bâtiments et installations dans des lieux susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme ou particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ». Ainsi, comme par le passé, les personnes privées ont le droit d’utiliser des systèmes de vidéoprotection pour filmer des lieux privés ouverts au public, mais n’ont pas le droit d’utiliser des systèmes de vidéoprotection pour filmer des lieux publics.
c. L’élargissement du recours à la procédure d’autorisation d’exception
La procédure d’autorisation d’exception permet au préfet de délivrer une autorisation temporaire, de quatre mois maximum, pour la mise en œuvre d’un système de vidéoprotection dans un lieu ouvert au public dans deux hypothèses : en cas d’urgence et en cas d’exposition particulière à des risques de terrorisme. Dans ce cas, il n’y a pas besoin de l’avis préalable de la commission départementale. La loi LOPPSI 2 ajouter un nouveau cas de recours, à savoir la tenue imminente d’une manifestation ou d’un rassemblement de grande ampleur présentant des risques d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens.
d. Le développement de la vidéoprotection à l’initiative du préfet
Le préfet a la possibilité de demander aux communes de s’équiper d’un système de vidéoprotection, le conseil municipal ayant trois mois pour se prononcer sur cette installation. La demande du préfet intervient notamment en vue de prévenir des actes de terrorisme, de protéger certains bâtiments tels que les sites nucléaires ou encore les sites diplomatiques, les consulats… Une convention, conclue entre la commune et le préfet, permet de fixer les conditions de financement et de maintenance du système de vidéoprotection.
3. Un renforcement des contrôles de la vidéoprotection
a. La Commission nationale de vidéoprotection
La Commission nationale de la vidéosurveillance, créée par le décret n° 2007-916 du 15 mai 2007, est un organisme consultatif chargé de rendre des avis au ministre de l’Intérieur. Depuis la loi LOPPSI 2, cette commission, désormais dénommée Commission nationale de la vidéoprotection, s’est dotée d’un fondement législatif. D’autre part, celle-ci voit ses compétences s’étendre, puisqu’elle est désormais habilitée à émettre des recommandations et à se saisir d’office de toute difficulté tenant au fonctionnement des systèmes de vidéoprotection.
b. L’extension des pouvoirs de la CNIL en matière de vidéoprotection
La principale avancée de la loi LOPPSI 2 en matière de protection des libertés individuelles est la mise en place d’un véritable contrôle par la CNIL des systèmes de vidéoprotection dans les lieux ouverts au public, alors que jusqu’à présent, elle ne contrôlait que ceux installés dans les lieux privés.
Jusqu’à présent, les dispositifs de vidéoprotection dans les lieux ouverts au public faisaient l’objet d’un contrôle, d’une part, par l’autorité publique délivrant l’autorisation préalable, puisque cette autorisation devait être renouvelée tous les cinq ans, et d’autre part, par un contrôle de la Commission nationale de vidéoprotection. Cependant, ce contrôle se révélait peu efficace la Commission nationale de vidéoprotection manquant des moyens et de l’expérience nécessaires pour les contrôles, et n’offrant pas de garanties d’indépendance suffisantes, en raison de sa composition, de son rattachement direct au ministère de l’Intérieur, ainsi que de son rôle purement consultatif.
La CNIL dispose de contrôleurs de métier immédiatement opérationnels, et bénéficie d’une longue pratique des problématiques liées à la vidéoprotection. De plus elle est indépendante.
Pour exercer ses fonctions, la CNIL dispose d’un pouvoir de sanction. En effet, bien que la CNIL ne puisse pas user de tout son éventail habituel de sanctions, elle peut (i) prononcer des mises en demeure à l’encontre des responsables des dispositifs de vidéoprotection si elle constate des manquements aux obligations qui s’imposent à eux, et (ii) proposer au préfet d’ordonner des mesures de suspension ou suppression du dispositif de vidéoprotection.
Forte de cette nouvelle prérogative, la CNIL a d’ores et déjà prévu de procéder à 150 contrôles des systèmes de vidéoprotection sur tout le territoire en 2011.