Alors que la pratique de l’arbitrage international prend de plus en plus d’ampleur dans le monde des affaires et que de très nombreuses clauses compromissoires désignent le règlement d’arbitrage de la London Court of International Arbitration (L.C.I.A) comme étant applicable à leur procédure, il est intéressant de se pencher quelques instants sur l’actualité de cette institution arbitrale.
Le 26 octobre dernier, la L.C.I.A a modifié une partie de ses Guidelines [1] relativement au rôle du secrétaire arbitral.
Pour rappel, le secrétaire arbitral est un soutien essentiel aux arbitres. Il est en charge de l’organisation de la procédure arbitrale, assume des missions administratives, aide à la préparation et à la tenue des audiences (lecture des mémoires et des pièces, établissement de chronologies, identification des questions juridiques et des prétentions des parties) et fait également office « d’interface » entre les parties et le tribunal arbitral. Son statut est encadré par des règles non juridictionnelles.
La modification des Guidelines de la L.C.I.A est intervenue alors qu’un contexte de méfiance régnait à l’égard des fonctions attribuées au secrétaire arbitral. À titre d’exemple, dans son jugement du 9 février 2017, la High Court of Justice[2] s’est prononcée sur une demande de récusation d’un tribunal arbitral et de son président en raison du rôle prétendument trop actif du secrétaire dans la procédure litigieuse.
Ce n’est pas la première fois que la justice arbitrale et/ou étatique était amenée à se prononcer sur cette question des fonctions du secrétaire[3]. Aussi, l’objectif de la réforme des Guidelines de la L.C.I.A est d’insuffler plus de transparence dans ce que certains qualifient de « justice opaque » et de communiquer ouvertement avec les parties sur le rôle du secrétaire arbitral aux fins de s’assurer de leur consentement, tout en sécurisant les sentences.
En pratique, certaines parties refusent, par principe, qu’un secrétaire soit assigné à leur dossier. D’une part, car elles le perçoivent comme un « quatrième arbitre » qu’elles n’auraient pas choisi ; d’autre part, parce qu’elles rémunèrent des arbitres – souvent renommés – et ne souhaitent pas que ces derniers délèguent leurs missions à un secrétaire ; enfin parce qu’elles considèrent que cela pourrait mettre à mal l’obligation d’indépendance, d’impartialité et de confidentialité des arbitres.
Ces convictions sont fondées sur une mauvaise connaissance par les parties des fonctions réellement occupées par le secrétaire arbitral. Les nouvelles Guidelines de la L.C.I.A « Notes for arbitrators » sont là pour y pallier.
Relevons au nombre des modifications, qu’il est désormais rendu explicite que le secrétaire, au même titre que les arbitres, est tenu d’une obligation de révélation afin d’assurer de son indépendance et de l’absence de conflit d’intérêt avec la procédure litigieuse.
En outre, les parties disposeront dorénavant d’un délai raisonnable pour s’opposer à la nomination du secrétaire arbitral et ce après avoir eu accès à sa déclaration d’indépendance et de consentement. Si à la fin de ce laps de temps raisonnable, les parties sont restées silencieuses, elles sont présumées avoir accepté la nomination du secrétaire.
S’agissant de la rémunération du secrétaire arbitral, des taux horaires[4] sont suggérés à l’intention des parties, un contrat étant conclu entre le secrétaire et ces dernières.
Point d’orgue de ces nouvelles Guidelines : la délimitation des fonctions du secrétaire arbitral. Une nouvelle liste de missions pouvant être confiées au secrétaire est établie. Cette liste indicative pourra être discutée (et éventuellement modifiée) par les parties, en fonction des dossiers. En tout état de cause, cette liste est expressément approuvée par les parties, ce qui garantit leur consentement. La L.C.I.A insiste tout particulièrement sur le fait qu’aucune fonction juridictionnelle (i.e. le pouvoir de dire la justice[5]) ne peut être attribuée au secrétaire arbitral dont les missions doivent être principalement administratives. Les fonctions juridictionnelles restent donc exclusivement entre les mains des arbitres nommés par les parties, peu important que le secrétaire soit, par ailleurs, lui-même un arbitre ou un associé dans un cabinet d’avocats renommé.
Finalement, il est explicitement indiqué que les arbitres sont responsables des actes réalisés par le secrétaire arbitral qui, durant la procédure, est sous leur supervision.
Cet effort de clarification et de transparence vis-à-vis des parties ne peut qu’être loué, le secrétaire restant un rouage essentiel du bon fonctionnement d’une procédure arbitrale.
Contact : antoine.adeline@squirepb.com
[1] Partie intitulée « Notes for arbitrators ».
[2] High Court of Justice (Queen’s Bench Division) Case n° CL-2016-61.
[3] Exemple de la célèbre affaire Yukos au cours de laquelle la Fédération de Russie a, entre autres moyens, diligenté un recours en annulation contre la sentence arbitrale prononcée à son encontre en invoquant une délégation de pouvoirs trop importante au bénéfice du secrétaire arbitral, alors même que les arbitres sont tenus d’accomplir personnellement leur mission.
[4] Entre 50 et 150 £ de l’heure.
[5] À savoir : « [l’émission de] jugements personnels et indépendants sur le litige après avoir pris en considération les arguments respectifs des parties » (paragraphe 65 de la décision du 9 février 2007 de la High Court of Justice).