Ce principe d’unicité est une caractéristique propre à la procédure devant le Conseil de Prud’hommes, ce qui explique qu’elle est inscrite dans le Code du travail (article R516-1) et non dans les dispositions générales du Code de Procédure Civile.
En pratique, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi, tant le salarié que l’employeur doivent faire valoir l’ensemble de leurs droits dus au titre du contrat de travail litigieux. A défaut, une fois qu’une décision définitive sera rendue, tant l’employeur que le salarié ne pourront revenir devant le conseil de prud’hommes et formuler une nouvelle demande au titre de ce contrat . Dans un tel cas, la partie en défense pourra opposer au demandeur qu’il est irrecevable à agir en vertu de l’unicité de l’instance. L’unicité se révèle alors être un puissant moyen de défense.
La Cour de cassation a toutefois eu la démarche d’aménager le principe d’unicité de l’instance dans un arrêt rendu le 7 juin 2006.
Un employeur avait licencié un salarié puis l’avait cité devant le Conseil de Prud’hommes pour in fine se désister de son instance. Le salarié avait alors accepté le désistement de son employeur sans se soucier des conséquences.
Postérieurement, lorsque le salarié a formulé des demandes à l’encontre de son employeur, celui-ci n’a pas manqué d’invoquer l’unicité de l’instance pour mettre un terme à ce nouveau litige.
La chambre sociale de la Cour de cassation, soucieuse de la protection des droits du salarié a alors jugé que « lorsque l’employeur a licencié un salarié puis a saisi la juridiction prud’homale, ni son désistement ni la règle d’unicité de l’instance ne peuvent faire obstacle au droit du salarié de contester en justice son licenciement ».
La Cour de cassation est ainsi revenue sur sa jurisprudence initiale au terme de laquelle, l’unicité de l’instance s’applique sans distinction de la façon dont s’est terminée la première instance (jugement sur le fond, incompétence, péremption d’instance ou désistement).
Une telle solution peut sembler légitime dans le but de préserver les recours du salarié, lequel est souvent moins au fait des rouages des procédures judiciaires. Ainsi, dans l’hypothèse où un employeur licencie pour faute lourde son salarié et « prend les devants pour l’intimider » en le citant devant le conseil de prud’hommes en paiement de diverses sommes, le salarié peut se trouver « soulagé » de voir une procédure judiciaire prendre fin contre lui et accepter sans condition le désistement de son employeur.
En application de la jurisprudence de la Cour de cassation, le salarié n’est désormais plus démuni d’un recours contre son employeur.
Cependant, nous estimons que cet arrêt crée une distorsion entre les droits procéduraux du salarié et de son employeur, laquelle n’est pas évidente à la lecture de l’article R 516-1 du Code du travail. Se pose en conséquence la question de l’opportunité de préserver l’unicité de l’instance telle qu’elle est définie dans le Code du travail.
Gageons que la Chambre sociale de la Cour de cassation rendra une solution similaire dans l’intérêt d’un employeur qui aurait trop vite acquiescé au désistement d’instance de son salarié.