Cass. soc. 2 juin 2010, n°09-40-215

« Face je gagne, pile tu perds » ! A l’heure de l’ouverture du marché des paris en ligne, voilà le message que la Chambre sociale de Cour de cassation vient de faire passer aux entreprises…

Dans un arrêt en date du 2 juin 2010 (n°09-40-215), la chambre sociale de la Cour de cassation vient en effet de considérer, sans crainte de se contredire elle-même, que « si la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter son préavis, la circonstance que l’intéressé a spontanément accompli ou offert d’accomplir celui-ci est sans incidence sur l’appréciation de la gravité des manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte ».

Incroyable pirouette que cet attendu. Il existe véritablement deux poids deux mesures quand on sait que l’employeur qui licencie un salarié pour faute grave doit prendre rapidement la décision de rompre le contrat avec effet immédiat et doit donc, et c’est logique, assumer les conséquences de sa décision devant les Juges du fond !

Ainsi, il est constant que l’employeur qui licencie pour faute grave ne peut demander au salarié d’effectuer son préavis, serait-ce partiellement, ni laisser à ce salarié l’opportunité de demander à son employeur de différer son départ.

Rien de tel, nous dit la Cour de cassation, lorsque c’est le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements graves de son employeur à ses obligations contractuelles ! En effet le salarié n’a ni à tirer, ni à assumer les conséquences juridiques de sa propre décision, alors même que la Cour de cassation a affirmé à de nombreuses reprises que la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail !

Bien évidemment, au cas d’espèce il est probable que le salarié a pris la décision d’effectuer son préavis car il ne voulait pas prendre le risque de devoir verser à son employeur une indemnité correspondant à ce préavis non effectué, dans l’hypothèse où les juges du fond feraient produire à sa décision les effets et conséquences d’une démission. Courageux mais pas téméraire.

Vertigineuse pirouette qui jette une nouvelle fois les entreprises dans un environnement juridique instable et inquiétant.

En effet, face à une telle situation, l’entreprise pourrait être logiquement tentée de répondre à son salarié qu’ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail, ce dernier a automatiquement pris fin à la date de la notification par le salarié de sa décision et qu’en conséquence, le préavis ne pourra être ni effectué, ni payé. Ce faisant et alors même que la prise d’acte serait qualifiée par les Juges de démission, la réponse de l’employeur au salarié ne sera-t-elle pas considérée (par la Cour de cassation !) comme une lettre de dispense de préavis, imposant ainsi et in fine à l’employeur de le payer ? Ce serait un comble !