Lorsque je me réveille le lundi matin et regarde depuis mon balcon la Tour Eiffel qui dépasse les toits, je dois me pincer.

Incapable de résister à l’arôme de ma boulangerie voisine, je prends pour mon petit déjeuner un pain au chocolat et un expresso (antidote pour les yeux embués), tout en passant l’Arc de Triomphe et traversant le Parc Monceau. J’arrive Avenue Vélasquez après une agréable marche de 20 minutes – que demander de plus…

Il y a 15 mois j’ai fait un petit pas (ou peut être un grand saut) sur le continent et suis passé du statut de solicitor à Londres à celui d’avocat à Paris.

Mes attentes ont-elles été comblées en troquant le chapeau melon pour le béret?
A vrai dire, je n’ai pas encore rencontré de béret pas plus que je n’ai vu de chapeau melon en 7 années d’exercice dans la « City » (sauf ceux portés par les huissiers des établissements financiers les plus anciens). Ainsi meurent les mythes…

D’un point de vue personnel, le passage du statut de salarié à celui de collaborateur libéral (mettre en place son propre « fonds de commerce », et employer un expert comptable pour ce faire) a été un véritable challenge. Mais je m’y habitue (puisque je viens juste d’envoyer ma déclaration, j’espère que le Trésor Public est d’accord). Tout est une question d’adaptation.

J’ai décidé de m’installer en France à la suite des succès électoraux de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel et des plateformes de « modernisation » économique qu’ils ont mis en avant (oh cruels destins…) et du recul de l’activité MA à Londres. Moins exposés aux vents contraires et encombrés par le crédit, il semblait y avoir une opportunité pour ces acheteurs continentaux désireux de faire des investissements stratégiques au Royaume Uni. Depuis que j’ai rejoins Hammonds Hausmann la plus grande partie de mon activité consiste à gérer des transactions de cette nature.

Peut-être que les rumeurs concernant la fin du modèle anglo-saxon sont exagérées. Pendant le quatrième trimestre 2009, les marchés ont rebondi comme un élastique et en 2010 étaient caractérisés par un cycle de hauts et de bas plus subtils. Alors que les bourses essaient maintenant de chiffrer le risque de dettes des consommateurs et des institutions financières assumées par l’État, il semble que, malgré les indéniables challenges à venir, nous nous dirigions vers la stabilité. Si les entreprises se recentrent sur leurs cœurs d’activités et font face à une concurrence faible, on espère que d’intéressantes opportunités continueront de se présenter.

Dans ce contexte, toute acquisition d’entreprises britanniques dépend plus ou moins de la volonté de l’acquéreur de s’adapter aux lois anglaises sur la base desquelles la transaction est menée. Même si d’une certaine façon les MA britanniques ressemblent aux transactions françaises, il existe des différences subtiles, en particulier l’attitude respective face aux « Reps. and Warranties » (garanties de passif), la manière dont un vendeur se protège pour mener l’exercice de « disclosure » (déclarations), et la jurisprudence anglaise qui détermine ce qui équivaut au « disclosure » effectif.

Pour conclure, suite à la visite récente à Paris de David Cameron, un mot d’actualité… Il semblerait que le Royaume Uni pourrait finir par adopter le modèle continental plutôt que l’inverse – pas uniquement pour ce qui est du goût du risque, mais aussi en matière de réforme constitutionnelle, avec la question de la représentation proportionnelle. Curieuse proposition, d’une part parce qu’elle favoriserait précisément les intérêts politiques dont le peuple britannique a réclamé à corps et à cri le changement tout au long de l’élection récente, et d’autre part parce que la réforme était présentée comme un remède à la difficulté de dégager une majorité, symptôme qu’un mode de scrutin proportionnel ne ferait qu’institutionnaliser. Les modalités alternatives de « PR » (représentation proportionnelle) ont fait la une ces temps derniers: « TV » (vote transférable), « AV » (vote alternatif) ou « AV+ » … plus d’acronymes que dans un organigramme M&A !