Selon le jugement attaqué, un premier et un second tour des élections s’étaient déroulés les 17 et 31 janvier 2017. Le 1er février 2017, le syndicat CNT-SO (Confédération nationale du travail-SO syndicat du nettoyage et des activités annexes de la région Rhône-Alpes), non représentatif dans l’entreprise, avait saisi le tribunal d’instance d’une requête en annulation du protocole d’accord préélectoral et des élections, faisant notamment valoir qu’il n’avait pas été invité à la négociation du protocole.
Le tribunal avait déclaré la requête irrecevable au motif que le syndicat CNT-SO, non représentatif, n’avait pas d’intérêt à agir car il ne démontrait pas avoir au moins deux adhérents dans l’établissement.
La chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 20 septembre 2018, n° 17-60.284) casse et annule le jugement entrepris au motif « qu’a nécessairement intérêt à agir en contestation de la régularité des élections, une organisation syndicale qui a vocation à participer au processus électoral ».
L’action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention (article 31 du Code de procédure civile). Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent (article L. 2132-3 du Code du travail).
Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la régularité des élections professionnelles mettant en jeu l’intérêt collectif de la profession, tout syndicat, même non représentatif dans l’entreprise, qui y a des adhérents, peut en demander la nullité (Cass. soc. 18 mai 1982 n° 81-60.746), peu important qu’il ait ou non participé à la négociation du protocole d’accord préélectoral ou présenté des candidats (Cass. soc. 28 janvier 2015 n°14-16.146).
L’arrêt de la chambre sociale rendu le 20 septembre 2018 précise que toute « organisation syndicale qui a vocation à participer au processus électoral » (autrement dite constituant une « organisation syndicale intéressée ») peut agir en nullité des élections. En pratique, cela signifie que peu important que ladite organisation syndicale justifie d’adhérents dans l’entreprise ou l’établissement, elle peut agir en nullité si elle (i) satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, est légalement constituée depuis au moins deux ans et a un champ professionnel et géographique couvrant l’entreprise ou l’établissement concerné, mais également si elle (ii) est reconnue représentative dans l’entreprise ou l’établissement, si elle (iii) a constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement, ainsi que si elle (iv) est affiliée à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel (ancien article L. 2314-3 du Code du travail).
A contrario, il résulte de la compilation des jurisprudences rendues sur ce sujet (y compris celle relative à l’action d’un syndicat représentatif au plan national sans adhérant dans l’entreprise : Cass. soc. 1er avril 1998 n° 96-60.433) que les organisations syndicales qui ne sont pas « intéressées » doivent justifier d’adhérents dans l’entreprise pour pouvoir agir en nullité des élections de l’entreprise ou de l’établissement concerné.
L’arrêt du 20 septembre 2018 (confirmé par un autre arrêt du même jour – Cass. soc. 20 septembre n°17-26.226), bien que rendu à propos des élections des délégués du personnel et du comité d’entreprise, est transposable aux élections du comité social et économique puisque l’article L. 2314-5 du Code du travail (en vigueur depuis le 1er janvier 2018) reprend les dispositions des anciens articles et est applicables aux mêmes « organisations syndicales intéressées » (i.e. informées de l’organisation des élections et invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral).
Cet article a été écrit par Cristelle Devergies-Bouron