Tour de France 2008, le cyclisme en voie de guérison ?
Après deux éditions du Tour de France ternies par les controverses de dopage impliquant les vainqueurs ou leurs concurrents, le maillot jaune de Carlos Sastre en juillet dernier a été bien accueilli par les officiels, les sponsors et les fans du cyclisme.
La victoire d’un compétiteur dit « irréprochable » contraste avec les événements de 2006, où le « vainqueur » Floyd Landis a été disqualifié suite à une procédure arbitrale de lutte antidopage pour cause de niveau de testostérone élevé et où « l’opération Puerta » (vaste coup de filet anti-dopage en Espagne) a entraîné l’absence de nombreux cyclistes.
On n’oubliera pas 2007 avec le contrôle positif du favori kazakh Alexandre Vinokourov et les disparitions « mystérieuses » du maillot jaune de la mi-course Michael Rasmussen.
Le bilan 2008 reste lourd : cinq cyclistes contrôlés positif pendant ou après le Tour. Parmi eux deux coureurs, les espagnols Manuel Beltran et Moises Dueñas, contrôlés positif à l’EPO et suspendus par leurs équipes respectives. Un autre, Dmitry Fofonov (heptaminol) a été licencié par son équipe Crédit Agricole. Le français Jimmy Casper, n’ayant pas renouvelé la dérogation médicale qui lui avait permis d’utiliser des corticoïdes pour maîtriser l’asthme, a été par la suite contrôlé positif.
Le cas le plus fascinant concerne celui de Riccardo Ricco. L’Italien, qui était sous étroite surveillance après avoir essayé d’échapper aux contrôles antidopages après la 4ème étape, a été contrôlé positif au CERA, un dérivé de l’EPO. Ricco a avoué sa culpabilité, puis a dû faire face à une suspension et à une mise en examen en France pour utilisation d’une substance classée « vénéneuse » !
Pourquoi l’affaire Ricco est-elle aussi marquante ? Parce-que le groupe pharmaceutique suisse Roche, qui commercialise le CERA (médicament contre les problèmes rénaux), a travaillé avec l’Agence mondiale antidopage pour créer un contrôle qui a été mis en place à l’insu des cyclistes. Certains commentateurs ont émis l’avis qu’une telle coopération entre les sociétés pharmaceutiques et les autorités sportives pourrait constituer la base d’une nouvelle lutte antidopage, et nous analyserons avec intérêts les nouveaux tests à venir.
Certes, le consensus général est que l’édition de 2008 a été un grand succès quant au rétablissement de la réputation sérieusement entachée du cyclisme professionnel. Le fait qu’aucun des « top 10 » du classement général n’ait été contrôlé positif constitue une avancée significative après les évènements de ces dernières années. Plusieurs cyclistes ont signé une charte morale antidopage, y compris Mark Cavendish, le nouveau phénomène britannique.
Néanmoins, personne ne doute que la lutte antidopage représente une guerre et non une simple bataille. Du côté des sponsors, essentiels au développement du sport, on ne peut pas oublier le départ récent de T-Mobile qui a abandonné son parrainage car elle avait peur que les contrôles positifs incessants ne menacent sa marque. Les pressions commerciales pourraient donc avoir un rôle important à jouer dans la lutte antidopage : gagner oui, mais plus à n’importe quel prix.
On précisera enfin qu’un nombre important de commentateurs ont apporté leur soutien à la création d’une infraction spécifique de fraude sportive, pour qu’il y ait une responsabilité pénale directe en cas de dopage. L’exemple de l’Italie a été cité – le défunt maillot jaune de 1998 Marco Pantani a été poursuivi sous une telle loi. Mais reste à voir la volonté politique au niveau national, européen et international de poursuivre dans telle voie, peut être un peu trop répressive.
Les Jeux Olympiques 2008 de Pékin et les « drapeaux de complaisance »
Peut-être à cause des exploits sans précédent de Michael Phelps, du succès spectaculaire d’Usain Bolt et de stades et productions pékinois éblouissants, un phénomène croissant et intéressant a été largement ignoré pendant les Jeux Olympiques de 2008 : la pratique dites « des drapeaux de complaisance » où des athlètes ont participé aux JO sous les drapeaux de nations avec lesquelles ils n’ont que des liens ténus,.
Sans doute, ne s’agit-il pas d’une tendance nouvelle, mais face à la mondialisation des JO, des enjeux et retombées induites, elle gagne du terrain. On pense à l’équipe féminine géorgienne de beach-volley, par exemple, dont deux représentantes viennent du Brésil. Ces joueuses ont reçu la double nationalité, suite à leur non-sélection par le comité olympique brésilien. On pourrait aussi citer le cas de Becky Hammon et JR Holden, basketteurs nés aux Etats-Unis, qui ont intégré l’équipe russe en jouant dans la ligue de leur pays adoptif.
Il y a d’autres exemples. Le changement d’allégeance au Qatar ou à Bahrain de plusieurs coureurs kenyans est attribué au nombre de coureurs de demi-fond représentant leur pays de naissance et les récompenses financières offertes. Une gymnaste ouzbek fait partie maintenant de l’équipe allemande. Les trois athlètes américains du 1.500 mètres sont nés au Soudan, au Kenya et au Mexique. Au total, trente deux athlètes représentant les Etats-Unis aux JO de Pékin sont nés à l’étranger et de nationalité non américaine ; en comparaison, le chiffre pour les jeux d’Athènes en 2004 était de 27.
Cette évolution mérite un coup d’œil sur la Charte olympique, rédigée par le Comité international olympique (CIO) et qui contient les règlements applicables aux JO. La Charte explique (Règle 6) que les JO sont un concours entre les individus et les équipes, pas entre les nations. Néanmoins, les Jeux (surtout de nos jours) sont interprétés au moins partiellement comme une compétition entre « pays » différents, ce qui explique le débat actuel sur le concept complexe de « nationalité sportive ».
La Règle 42 précise que pour représenter une nation, un individu doit être ressortissant du pays en question. Après avoir représenté une première nation au niveau régional ou international, on ne peut faire partie de l’équipe olympique d’une autre nation pendant les trois années suivantes. Pourtant il est possible qu’un accord particulier entre le CIO et la fédération du sport concerné déroge à cette règle. Un individu avec la double nationalité peut ainsi représenter n’importe lequel des deux pays.
La règle générale édictée par le CIO est complétée par les règles de chaque fédération. Par exemple, la Fédération Internationale de Natation (FINA) exige une année de résidence dans le pays concerné si un individu veut représenter ledit pays. Les autorités régissant le basket imposent une restriction à un seul joueur naturalisé par équipe. Certaines autorités sportives sont plus souples en ce qui concerne les changements d’allégeance que ce que l’on retrouve dans d’autres sports.
Peut-on parvenir à une harmonisation globale ?
Le CIO a une tâche difficile sur la question de la détermination de la nationalité des athlètes, compte tenu du fait que les dispositions juridiques varient beaucoup d’un Etat à l’autre, et son travail sera long avant de parvenir à un résultat uniforme.
Quelle que soit la justification apportée pour un changement de drapeau – raisons financières, migration, manque d’opportunités dans le pays de naissance – chaque athlète qui a représenté une nation autre que son pays de naissance à Pékin, était en parfaite conformité avec les règles du CIO et du sport concerné.
Un consensus large existe donc entre les Etats qui bénéficient tous potentiellement de tels mécanismes.
Au plan général, le phénomène des « drapeaux de complaisance » est peut-être un reflet fidèle des notions complexes de nationalité et de citoyenneté de notre époque.