Juridiction étatique ou arbitrale : quand les juges préjugent d’une sentence arbitrale…
Cass. civ.1, 11 juillet 2006 n°03-11768

Une société française a conclu en 1980 un contrat comportant une clause d’arbitrage CCI avec une société anglaise, BAT (UK et export).

Une vingtaine d’années plus tard, BAT annonce à son cocontractant que la gestion des comptes de la société française serait prise en compte par une autre société du groupe de droit suisse.
La société française passe plusieurs commandes auprès de cette société.

La société BAT résilie peu de temps après le contrat initial. La société française assigne les deux sociétés étrangères en réparation du préjudice lié à la rupture de leurs relations commerciales devant le Tribunal de commerce de Fort-de-France.

Les deux sociétés étrangères estiment que seuls les arbitres doivent connaître de ce litige, la juridiction commerciale devant rejeter sa compétence en présence d’une clause d’arbitrage.
Le Tribunal de commerce de For-de-France décide que "la clause d’arbitrage n’est pas manifestement nulle ou inapplicable au litige, de sorte que la juridiction étatique n’était pas compétente pour en connaître".

La solution est présentée comme étant classique en matière d’extension de la clause d’arbitrage à des non-signataires dans un groupe de société mais seulement en filigrane car elle frôle selon nous l’ultra petita.

Les juges précisent en effet que la nouvelle société était intervenue dans l’exécution de la convention avec l’accord de la société française et que l’intervention de la société suisse ne modifiait pas les données du litige.

En réalité, les juges n’avaient pas à procéder à une telle analyse, le tribunal arbitral étant seul compétent pour étendre ou non les effets de la clause à des parties non-signataires. Les juges se seront laissés entraînés par certains des moyens soulevés par la société française consistant à discuter l’effet de la clause à l’égard de la société suisse.

Il n’en reste pas moins qu’une juridiction étatique doit se déclarer incompétente en présence d’une clause d’arbitrage de primo facie applicable, peu important à ce stade les effets déployés par la clause. La seule exigence est l’absence de toute ambiguïté sur le choix de l’arbitrage par les parties. Le problème de l’extension de la clause est du ressort de la seule juridiction arbitrale.

La question est désormais la suivante: comment un tribunal arbitral pourra-il statuer dans ce dossier avec un tel pré-jugement ? Mais cet avis ne lie que la personne auteur de ces lignes.

La nullité d’un contrat n’affecte pas la validité d’une clause compromissoire
Cass. civ.1, 11 juillet 2006 n°04-14950

La Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d’appel qui avait considéré que la nullité d’un contrat commercial emportait nullité de la clause d’arbitrage contenue dans celui-ci.

Par un attendu de principe exemplaire, la Cour de cassation rappelle que "le caractère manifeste de la nullité ou de l’inapplicabilité de la clause d’arbitrage, est seul de nature à faire obstacle à la compétence arbitrale" et qu’ "en application du principe de validité de la convention d’arbitrage et de son autonomie en matière internationale, la nullité non plus que l’inexistence du contrat qui la contient ne l’affectent."

La décision de la Cour d’appel était en effet surprenante, l’autonomie de la clause d’arbitrage étant acquise en jurisprudence depuis plus de 30 ans.