Dans une décision du 6 octobre 2006, le Conseil d’Etat a jugé qu’une société mère ne peut déduire la TVA ayant grevé les frais qu’elle a exposés dans le cadre d’une prise de participation réalisée par une de ses filiales (CE, 8e et 3e ss-sect., n° 299265, SA AXA).
La société UAP International, devenu SA AXA, avait déduit la TVA ayant grevé des honoraires de divers conseils encourus dans le cadre de l’acquisition d’une participation dans une société italienne réalisée par une de ses filiales, elle-même italienne, ce que l’administration fiscale avait contesté dans le cadre d’un contrôle.
Le Conseil d’Etat donne raison à cette dernière – sans remettre en cause le principe selon lequel les dépenses exposées par une société holding dans le cadre d’une prise de participation constituent des frais généraux qui sont en principe liés à l’ensemble de son activité économique et ouvrent droit à récupération de la TVA – mais en écarte ce principe lorsque l’opération est réalisée non par la société holding mais par une autre société, fût-elle sa filiale.
En application des dispositions du CGI transposant le droit communautaire, les assujettis ne peuvent déduire la TVA qui est afférente à des acquisitions de biens ou de services que dans la mesure où les dépenses correspondantes sont affectées à leurs opérations taxables. Selon le Conseil d’Etat, cette condition ne pouvait pas être satisfaite par SA AXA au cas particulier dans la mesure où les frais de conseils qu’elle a supportés ne concourraient pas à sa propre activité mais à celle de la filiale ayant réalisée l’opération.
L’analyse restrictive conduite par le Conseil d’Etat dans cette affaire partage les commentateurs. Certains auteurs estiment que l’exigence d’une acquisition en direct de la participation est la conséquence évidente du principe d’affectation des dépenses aux opérations taxées de l’assujettie sans qu’y fasse obstacle la notion de frais généraux (Y. Sérandour, note sous CE 6 oct. 2008, Dr. Fisc. 2008, n° 47, comm. 587). D’autres font valoir que la Haute Juridiction aurait pu admettre que les frais d’acquisition des titres par la filiale étaient en fait engagés pour les besoins de l’exploitation de la société holding au titre de son rôle stratégique dans l’organisation du groupe qu’elle constitue avec ses filiales (M. Guichard, TVA : honoraires versés pour l’acquisition de titres, FR 62/08, p. 25).
Au-delà du débat doctrinal qu’elle suscite, la décision du Conseil d’Etat invite à la vigilance des acteurs économiques s’agissant des modalités de facturation des frais de conseils et autres prestations dans le cadre des opérations d’acquisition auxquelles ils participent.
En effet, il est fréquent que le processus de réflexion et de préparation d’une prise de participation s’amorce alors même que la société ayant vocation à réaliser l’opération n’est pas encore créée ou est en cours de création, et il n’est pas rare que des diligences des prestataires divers soient facturées non à la société qui acquiert en définitive la participation mais à sa société mère ou plus généralement à l’un de ses actionnaires fondateurs. Or, en application des dispositions combinées des articles 271-II et 289 du CGI, les entreprises ne peuvent en principe pas déduire la TVA figurant sur des factures qui ont été établies à un autre nom.
Cette situation induit le risque que la récupération de la TVA qui est afférente à des frais d’acquisition supportés par une société au titre d’une opération réalisée par une filiale soit doublement refusée ; c’est-à-dire non seulement au niveau de la société mère qui se les voit facturer, conformément à la solution commentée ici, mais également au niveau de la filiale si les factures sont établies au nom de la société mère.
Peut être sera-t-il cependant possible de soutenir que les prestations facturées au nom de la société mère ouvrent néanmoins droit à récupération de la TVA par la filiale en cours de création, en faisant valoir que les prestations sont accomplies au profit de cette dernière dans le cadre de l’acquisition de la participation et donc utilisées pour les besoins de son activité. Une telle analyse pourrait s’autoriser d’un arrêt de Plénière du Conseil d’Etat en date du 30 avril 1980, à l’occasion duquel la Haute Juridiction a jugé qu’une société est en droit de récupérer la TVA ayant grevé l’acquisition par le fondateur de ladite société d’une promesse de vente d’un immeuble faite quelque jours avant la création de la société, l’acquisition de l’immeuble ayant finalement été réalisée par la société dans les trois jours suivant la date de sa création (Conseil d’Etat, 30 avril 1980, n°15.506, Plen., RJF 6/80 § 485, cf. également solution a contrario de l’arrêt de la Cour d’appel administrative de Nantes du 19 décembre 2000, n°97-2199, RJF 6/01 § 777). Au cas particulier, le Conseil d’Etat avait souligné que l’acquisition de la promesse de vente par le fondateur « a été réalisée en vue de la fondation et dans l’intérêt de [la] société dont [le fondateur] allait devenir le principal porteur de parts » et que « l’achat de ladite promesse doit être regardé […] comme ayant été le fait dès l’origine de la société ».