Comme annoncé dans un précédent article (De quelques évènements récents en arbitrage), la transposition, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, des récentes directives communautaires en matière de TVA devrait impacter les règles de territorialité qui sont applicables aux prestations rendues par les membres des tribunaux arbitraux.
Il s’agit d’une question qui a connu divers soubresauts par le passé.
A l’origine, l’administration fiscale avait estimé que les actes d’arbitrage pouvaient être assimilés à des prestations immatérielles au sens des dispositions de l’article 259 B du Code Général des Impôts dans la catégorie des « prestations des conseillers ». Elle se fondait sur une analyse selon laquelle l’arbitre exerce essentiellement la fonction d’un conseil dont l’avis, généralement admis par les parties, se traduit par une sentence arbitrale.
Les services d’un arbitre étaient donc soumis à la TVA dans l’Etat dans lequel le client était établi, si ce dernier était un assujetti, et il en résultait que les prestations des arbitres français au bénéfice de clients étrangers n’étaient généralement pas soumises à la TVA française.
Cependant, la Cour de Justice des Communautés Européennes (« CJCE ») avait considéré en 1997, en dépit des conclusions contraires de l’Avocat général, que les prestations rendues par un membre d’un tribunal arbitral ne sont ni équivalentes ni similaires à celles rendues par un conseiller, tel qu’un avocat, notamment parce qu’elles n’ont pas la même finalité, qu’elles ne donc sont pas visées par les dispositions de la sixième directive relatives aux prestations immatérielles et sont imposables à la TVA à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique.
A la suite de cette décision, l’administration fiscale n’avait pas maintenu son ancienne doctrine et se réservait ainsi la possibilité d’appliquer la TVA française au titre de prestations rendues par les arbitres français au bénéfice de clients situés dans d’autres pays de l’UE ou hors de la Communauté.
Les divers Etats membres de la Communauté n’ayant pas tous tiré les conséquences de cette position jurisprudentielle, il en résultait une sérieuse distorsion de concurrence, laquelle devrait cependant être réparée par le réaménagement des règles de territorialité de la TVA par le projet de loi de finances pour 2010.
En effet, transposant les dispositions de la Directive 2008/8/CE, le projet instaure un principe général selon lequel le lieu d’imposition à la TVA des services qui sont rendus au profit d’un preneur ayant la qualité d’assujetti se situe à l’endroit où ce dernier est établi, ce qui conduit à éliminer la catégorie spécifique des prestations immatérielles, et prévoit corrélativement quelques dérogations pour les prestations de services qui sont aisément localisables.
Or, les prestations des arbitres tomberont mécaniquement dans le champ d’application du principe général de taxation au lieu d’établissement du preneur et ne relèveront d’aucune des exceptions à ce principe, de sorte que la règle actuellement applicable sera renversée et que le recours à un arbitre français ne donnera pas lieu à la TVA française lorsque le client est établi dans un autre pays, ou à l’extérieur, de l’Union Européenne.