Transport aérien : l’absence d’automaticité de l’indemnisation prévue par le Règlement européen n° 261/2004

Cass. civ. 1, 14 février 2018, n°16-23.205

Un arrêt récent de la première chambre civil de la Cour de cassation vient rappeler les principes élémentaires du droit de la preuve, y compris lorsque des demandes sont formées sur le fondement du Règlement européen n° 261/2004 (Cass. 1ère civ., 14 février 2018, pourvoi n°16-23.205).

Dans cette affaire presque « classique », deux passagers bénéficiaient d’une réservation sur un vol aller-retour Paris-Miami, arrivé avec un retard de plus de cinq heures.

Pour justifier leur intérêt à agir, les demandeurs avaient produit les billets électroniques mais non les cartes d’embarquement et/ou tout autre élément justifiant leur enregistrement sur le vol litigieux. Or, si un billet électronique permet de confirmer l’existence d’une réservation valable, et donc un droit au transport, il n’est toutefois pas suffisant pour faire la démonstration imposée par l’article 3, § 2 a) du Règlement européen n° 261/2004 (relatif aux cas de retard) de ce que les passagers se sont présentés à l’embarquement du vol.

C’est sur ce point que la Cour de cassation se prononce et rappelle, au préalable, les dispositions de l’article 1315 du Code civil qui impose « à celui qui réclame l’exécution d’une obligation » la preuve de ladite obligation. Or, en ne produisant pas les cartes d’embarquement mais seulement une attestation de retard non nominative, la Cour de cassation confirme que les demandeurs n’ont pas rapporté cette preuve.

La Cour de cassation répond également à l’argument d’une prétendue « preuve impossible ». Les demandeurs avaient en effet tenté de faire valoir que seule la compagnie disposait des éléments relatifs à l’embarquement, en particulier le listing des passagers ayant enregistré puis embarqué sur le vol. Cet argument, vain, n’avait que peu de chances de prospérer puisque tout passager d’un avion dispose à l’évidence d’une carte d’embarquement qu’il lui appartient de conserver pour fonder une action en indemnisation au titre d’un vol qu’il aurait effectué.

Si le Règlement européen n° 261/2004 apparaît favorable aux passagers, des limites sont heureusement posées par la Cour de cassation et puisées dans le droit de la preuve français. Il est ainsi opportun que la Cour de cassation rappelle ces principes dont nul ne saurait s’affranchir.

Enfin, il est utile de souligner que les passagers peuvent désormais obtenir leur carte d’embarquement plusieurs heures, voire jours avant le vol et ainsi justifier d’un tel document alors qu’ils n’auraient en réalité pas embarqué (cela ne semble pas avoir été le cas en l’espèce). Dans cette hypothèse, communiquer les boarding pass permettraient de poser une présomption d’embarquement sur le vol, présomption toutefois réfragable puisque, à supposer que le demandeur n’ait finalement pas pu prendre le vol, la compagnie aérienne devrait alors verser aux débats la liste des passagers ayant embarqués pour s’exonérer de toute responsabilité à l’égard dudit demandeur.

Le progrès technologique imposera certainement cette clarification et on ne peut que conseiller aux compagnies aériennes de conserver les listings d’embarquement pendant une durée minimale de 5 ans au vu des récentes décisions de la Cour de cassation sur la prescription des actions fondées sur le Règlement européen n° 261/2004.
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