Que des supporters d’un sport ou d’un jeu soient violents n’est aucunement nouveau. A Constantinople, dès l’an 532, l’armée a sauvé de justesse le règne de Justinien, menacé par des supporters violents.

Depuis quelques décennies, c’est une bien triste réalité et les cinéastes le soulignent, que ce soit dans les stades de Shaolin Soccer ou de La Vie est un miracle : le sport du ballon rond entraîne, on ne sait pour quelle raison, une forme aiguë et irrationnelle de violence chez certains membres du public dans et en dehors des stades, et ce partout dans le monde.

La forme de violence a évolué depuis le hooliganisme des années 60, s’orientant résolument vers une forme de guérilla urbaine plus organisée que la traditionnelle émeute des années ’80. Le stade et ses alentours devenant un espace totalement contrôlé par la police, les affrontements se font en ville, près des gares, voire dans des endroits isolés lors de rendez-vous fixés à l’avance. Les tribunes servent à rassembler les « troupes », à se compter et à partager, tout comme leurs aînés des années ’60, le sentiment de former un groupe de « résistants » à une inéluctable évolution vers une société mondialisée et multiculturelle (sic Denis Grégoire, journaliste, « Football et violence, les noces barbares » 2002).

Comme le droit – tout comme le cinéma – s’intéresse à tout et s’immisce dans toutes les relations sociales, les supporters de football font naturellement l’objet de l’intérêt des législateurs européens.

La Convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football, du 19 août 1985, STCE n°120, est entrée en vigueur en France le 1er mai 1987. Sous l’égide du Conseil de l’Europe, elle préconise une coopération internationale, nécessaire pour l’organisation de matches internationaux sensibles, ayant pour objectifs :

1. Institution du Comité permanent chargé de l’application de la Convention
2. prévention des comportements violents ou racistes
3. mesures concrètes de sécurité
4. identification des auteurs de violences et coopération policière.

Pourquoi viser la violence des supporters de foot plutôt que celle de ceux d’une autre discipline sportive ? Peut-être parce que les débordements de spectateurs ne sont pas aussi fréquents chez les supporters de tennis de table, de tennis, de squash, de rugby, de basket-ball ou de hand-ball, où ce sont davantage les balles et les joueurs qui prennent essentiellement les coups.

En 2008, en France, nous attendons la prochaine loi de programmation et d’orientation sur la sécurité intérieure, annoncée par Michèle Alliot Marie, ministre de l’Intérieur, qui devrait, semble-t-il, augmenter la durée de l’interdiction de stade des supporters violents qui passera de trois à six mois, soit la quasi-totalité d’une saison sportive.

Comme dans plusieurs domaines, les règles se durcissent :

L’interdiction de stade créée par la loi n°93-1282 du 6 décembre 1993 a été étendue par la Loi n°98-146 du 6 mars 1998 relative à la sécurité et à la promotion d’activités sportives aux infractions commises à l’extérieur de l’enceinte sportive mais en relation directe avec une manifestation sportive.

En 2003, le législateur français a établi un fichier des personnes ayant fait l’objet d’une interdiction de stade et autorisé les services d’ordre à des palpations de sécurité, sous le contrôle d’officiers de police judiciaire.

En 2006, suite à certains incidents graves lors ou en marge de matches de Coupe d’Europe (Feyenoord Rotterdam – Nancy, PSG – Hapoël Tel Aviv), le législateur français a permis aux Préfets d’interdire de stade certains supporters, conformément à une résolution européenne, a prévu la dissolution administrative de certains groupements et a instauré un suivi des interdits de stade.

Le 27 février 2007, un supporter violent a ainsi pu être interdit de stade pour trois mois par le Préfet de Lorraine, pour avoir proféré des insultes racistes à l’encontre du Capitaine de Valenciennes.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2006, quelques centaines de personnes font l’objet d’une interdiction de stade en France. Il n’y a pas encore eu de dissolution de groupement en application de la loi, mais cette sanction est envisagée pour un groupement auteur d’insultes récurrentes à caractère raciste dans la région de Metz.

La Commission des affaires culturelles du Sénat (Rapp. Sénat, Commission des affaires culturelles, n°467, 26 sept. 2007) a proposé diverses actions de prévention et de répression :

  • Mise en place de policiers référents dans tous les clubs à risque ;
  • Renforcement du dialogue avec l’ensemble des associations de supporters,
  • Valorisation des bonnes pratiques de supporters
  • Interdiction des grilles dans les stades
  • Création d’un fichier européen commun des interdits de stade
  • Instauration de peines planchers d’interdiction judiciaire de stade de trois ans
  • Interdictions administratives de stade pouvant être portées à un an.

Michèle Alliot Marie précisait en octobre 2007 ses intentions pour la prochaine réglementation de 2008:

  • Les supporters interdits de stade devront se rendre dans un commissariat ou une gendarmerie à la mi-temps des rencontres, et ce dans un lieu éloigné de la rencontre.
  • Création d’un fichier recensant les personnes soumises à interdiction.
  • Dispositif validé par la Commission de l’informatique et des libertés, permettant de vérifier, en temps réel, la présence de ces supporters dans ou à proximité d’une enceinte sportive.
  • Coopérations renforcées entre pays européens.
  • Pouvoir punir dés le premier acte de violence grave.

D’un point de vue pratique pour les clubs de football qui organisent des rencontres, la législation en vigueur a des implications fortes.

En France, l’organisateur d’un spectacle sportif est responsable de la sécurité des personnes dans l’enceinte de la manifestation, et doit également surveiller ses accès. Dans le cas du football, les clubs sont donc responsables des rencontres qui se déroulent dans le stade qu’ils occupent et l’embauche de stadiers correspond ainsi à une obligation légale. Or de nombreux clubs ne sont pas conscients de ces obligations et ne mettent pas en place suffisamment de stadiers dans l’enceinte sportive, lesquels doivent être en outre formés pour procéder aux palpations de sécurité, qui permettent d’empêcher l’entrée de fumigènes dans le stade.

En Angleterre, Monsieur Russell Brown, MP, a initié la réflexion des parlementaires britanniques (projet de loi intitulé « Football Spectators and Sports Grounds Bill 2008 ») en proposant d’harmoniser la réglementation sur les interdictions de stade au Royaume-Uni (étendant les interdictions de stade à l’Ecosse et au Nord de l’Irlande, lorsqu’elles sont prononcées en Angleterre et/ou au Pays de Galle) et de donner plus d’importance à la Football Licensing Authority, afin de ne permettre les rencontres professionnelles qu’entre clubs ayant obtenu la licence.

Les 3500 interdictions de stade annuelles (« football banning orders ») ont fait fléchir les arrestations pour des infractions liées au football de 22 % depuis 2004.

Au Royaume-Uni :

  • les interdictions peuvent aller de 3 à 10 ans et ont un effet réellement dissuasif sur les supporters ;
  • peu d’actes passent au travers des mailles de la justice, grâce à un effort très important en matière de réunion des preuves (utilisation intensive de la vidéosurveillance, dans les stades, mais surtout aux abords) ;
  • la justice est capable d’intervenir très rapidement et de condamner un supporter en quelques jours :
  • l’interdiction de stade peut être accompagnée d’une interdiction de se déplacer dans certains lieux (bars habituels, gares à proximité des stades), voire à l’étranger (dépôt du passeport au commissariat quelques jours avant les rencontres internationales…) ;
  • une démarche partenariale très ambitieuse a été engagée entre les clubs, la ligue de football (« Football association »), les polices municipales, le ministère de l’intérieur, le service national spécialisé dans la lutte contre le hooliganisme (« United Kingdom football policing unit ») et les procureurs.

Les législateurs anglais ont également choisi d’intervenir sur la vente des billets pour les matches en opérant un contrôle des vendeurs de billets, des acquéreurs de billets (conditions à l’acquisition pour des tiers) et un contrôle des prix des transactions, pour contingenter le marché noir (Violent Crime Reduction Act 2006). Ces règles s’appliquent également à la vente sur internet, impliquant dans certains cas une responsabilité des hébergeurs de sites de vente en ligne.

De même, les sites web faisant la publicité d’agences vendant des billets non officiels, ce qui est une infraction pénale, sont susceptibles d’être condamnés.

Sanctions, interdictions, condamnations, réglementation des prix de vente des billets, fichage, vidéosurveillance, contrôle judiciaire, dissolution de groupements… les pays d’Europe s’équipent d’un arsenal juridique de plus en plus contraignant et sécuritaire pour contrecarrer une violence qui n’a pas sa place dans le spectacle sur-médiatisé du jeu du ballon rond. Spectacle, le foot l’est toujours, mais il est aussi une métaphore de la société.