Comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises dans ces colonnes, de nombreux regards se tournent aujourd’hui vers le modèle économique des jeux sociaux (social gaming) afin de déterminer si une régulation d’ensemble doit être mise en place. Japon, Corée, USA et maintenant Europe, le débat est mondial et les enjeux globaux.
En Europe, les avis sont partagés et les articles nombreux : les uns martelant la nécessité de réguler pour mieux contrôler, les autres s’opposant fermement à de telles mesures et préférant laisser le soin aux opérateurs de s’organiser librement.
Dans ce débat intense, une voix vient de s’exprimer, et pas des moindre, celle de Philip Graf, Président de la Gambling Commission anglaise (équivalent de l’ARJEL).
En synthèse, Philip Graf indique qu’il ne souhaite pas intervenir, ni réguler, dans la mesure où les opérateurs mettrons en place les moyens nécessaires pour s’assurer que les jeux proposés ne créent aucun risque pour les joueurs, notamment mineurs, d’addiction ou de ruine, et que les règles soient claires et transparentes pour les consommateurs.
Le succès des jeux sociaux depuis plusieurs années incite la Gambling Commission à rester en éveil. Philip Graf met en avant les récentes opérations de rapprochement entre acteurs du monde du jeu social et des jeux d’argent qui laissent entrevoir de possibles difficultés qu’il importe d’analyser, ce qui sera fait à l’avenir.
La Gambling Commission n’a pas de raison de s’intéresser aux jeux sociaux tant que ceux-ci se limitent à de simples « jeux » et que les gains ne sont pas convertibles en argent (qu’il s’agisse de prix ou de monnaie virtuelle) ; pour autant, des analyses récentes laissent à penser que les gains sont bien réels, à tout le moins dans l’esprit des joueurs, souvent jeunes et en quête de reconnaissance, et que ceci pourrait affecter durablement leur équilibre de vie, à une période où ils se construisent.
Pour autant, la Gambling Commission se doit de (1) protéger les joueurs, notamment mineurs qui passeraient trop de temps et dépenseraient des sommes inconsidérées à jouer au risque de créer des troubles au sein du cercle familial et (2) protéger les clients de ces sites qui, en tant que consommateurs, pourraient être victimes d’escroqueries ou de fraudes d’opérateurs peu scrupuleux.
Si les risques d’addiction et de « passage » du jeu gratuit au jeu d’argent étaient avérés, les choses changeraient du tout au tout. Ceci motive la réalisation d’études pour disposer de données précises, et agir en conséquence.
Précisons que les règles afférentes à la publicité et au marketing de ces jeux sont beaucoup plus libres que celles des jeux d’argent et que le code de bonne conduite et de bonne pratique applicable en matière de jeux d’argent ne prévaut pas pour les jeux sociaux.
Face à ce constat, Philip Graf, s’il réaffirme le refus de toute régulation a priori, met en garde et prévient que la Commission restera vigilante et demande aux opérateurs de jeux sociaux de faire leur introspection, d’analyser les risques et de mettre en place les mesures nécessaires à la protection des joueurs et consommateurs (transparence dans les règles du jeu, information sur les chances de gagner, code de bonne pratique, restriction de certains jeux à des publics trop jeunes, etc.).
Les débats devraient se poursuivre dans les mois à venir, et l’on sait déjà que certaines associations (dont la Remote Gambling Association) prônent une régulation ferme.
A noter, que Jean-François Vilotte, Président de l’ARJEL, s’est quant à lui montré partisan d’une régulation des jeux sociaux en France, lors du récent colloque de l’IRDA 1, et a réaffirmé cette nécessité dans un communiqué fin janvier, après avoir dénié toute portée au récent arrêt de la Cour d’appel de Toulouse qui a refusé de qualifier le poker de jeu de hasard.
Vous pouvez lire en ligne les déclarations de Philip Graf :
www.gamblingcommission.gov.uk/PDF/Philip%20Graf%20-%20social%20media%20speech%20-%20January%202013.pdf
www.gamblingcommission.gov.uk/gh-press/news_archive/2013/are_there_risks_posed_by_the_c.aspx
Squire Sanders et l’équipe Droit des Jeux, est à vos côtés pour évoquer et imaginer ensemble les mesures à mettre en place dans ce contexte changeant.
1 Lire : Colloque « Jeu, Argent et Droit » organisé par l’IRDA : pari tenu !