Date de prise d’effet d’une résiliation judiciaire
Cass. soc., 11 janvier 2007, P. n° 05-40.626, P+B+R+I
La résiliation judiciaire d’un contrat de travail produit effet au jour où le juge la prononce. Cette précision vient d’être énoncée pour la première fois par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui a décidé que : « La date de prise d’effet de la résiliation judiciaire ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors que jusqu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur ».
Cette solution, qui retient comme date d’effet de la résiliation judiciaire celle de la décision de justice la prononçant, est équilibrée. Comme la relation de travail s’est poursuivie jusqu’au jour du jugement, il y a lieu de se placer à cette date au regard des répercussions sociales qu’elle entraîne : calcul de l’ancienneté, salaires, couverture sociale, régime de prévoyance, retraite, éventuelle indemnisation du salarié.
Défaut d’objet de l’action en résiliation judiciaire postérieure au licenciement
Cass., soc., 20 décembre 2006, P. n° 05-42.539, Sté Motor presse France c/De Laveaucoupet, P+B+R+I
Licencié pour faute grave le 10 juillet 2002, un directeur adjoint de la publicité saisit le conseil de prud’hommes le 12 septembre suivant : non seulement il conteste son licenciement mais demande aux juges de dire que son contrat a en fait été rompu dès le 12 mai 2002 du fait de l’employeur qui lui aurait imposé une modification de son contrat.
Ce concours de rupture n’avait jusqu’à cette affaire jamais été tranché par la Cour de cassation. Pour le résoudre, celle-ci applique l’adage « rupture sur rupture ne vaut », et décide que lorsque le contrat de travail d’un salarié est rompu en raison d’un licenciement, le salarié ne peut plus demander au juge de se prononcer sur une rupture selon lui déjà effective.
La rupture est consommée par le licenciement ce qui rend sans objet la demande en résiliation judiciaire introduite par le salarié postérieurement à son licenciement.
Plus précisément, la rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin. Cette date est celle de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant le licenciement. Ce, conformément à la jurisprudence de la CJCE qui veut que « L’événement valant licenciement est constitué par la manifestation de la volonté de l’employeur de résilier le contrat de travail » (CJCE, 27 janvier 2005) .
Cette solution inédite vient d’être adoptée par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui a décidé que « Le contrat de travail étant rompu par l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant le licenciement, la demande postérieure du salarié tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de ce contrat est nécessairement sans objet , le juge devant toutefois, pour l’appréciation du bien fondé du licenciement, prendre en considération les griefs invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation dès lors qu’ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation ».
Office du juge en cas d’action en résiliation judiciaire postérieure au licenciement
Cass. soc., 20 décembre 2006, P. n° 05-42.539, Sté Motor presse France c/De Laveaucoupet, P+B+R+I
Le juge n’a pas à statuer sur la demande en résiliation judiciaire dans la mesure où celle-ci est sans objet. Pour l’appréciation du bien-fondé du licenciement, le juge doit toutefois tenir compte des griefs invoqués par le salarié s’ils ont un lien avec le licenciement.
La Cour de cassation énonce en effet que le juge devra « pour l’appréciation du bien fondé du licenciement, prendre en considération les griefs invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation dès lors qu’ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation ».
Le contrôle du juge se trouve ainsi modifié du fait de l’action du salarié en résiliation : pour dire si le licenciement est ou non justifié, il ne doit pas se contenter de vérifier la réalité et le sérieux du motif invoqué par l’employeur dans la lettre de rupture ; il doit aussi tenir compte des griefs invoqués par le salarié, en faisant le tri parmi ces griefs et en retenant ceux qui ont un lien avec le licenciement.
Le motif du licenciement doit autrement dit être apprécié dans cette configuration nouvelle au regard des griefs présentés par le salarié. Une faute grave peut donc être disqualifiée en faute sérieuse ou le motif jugé non justifié du fait des manquements de l’employeur invoqués à l’appui de la demande de résiliation.
En l’occurrence, les juges du fond ont estimé que la (prétendue) modification de son contrat avancée par le salarié au soutien de sa demande de résiliation n’avait rien à voir avec la faute invoquée par l’employeur. Pour autant, la faute grave n’a pas été retenue ; le licenciement était justifié par une simple cause réelle et sérieuse, ont-ils estimé.
Outre l’appréciation du motif de licenciement, le juge se voit, semble-t-il, investi d’une autre mission : le « salarié aurait la faculté de demander la réparation du préjudice résultant des manquements de l’employeur » qui n’ont pas de lien avec le licenciement.
Le salarié pourra au final être débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais obtenir l’indemnisation du préjudice causé par les manquements de l’employeur l’ayant conduit à demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Au bout du compte, la Cour de cassation fait désormais coexister le droit du licenciement avec le droit de la réparation.