Cass. crim. 3 novembre 2015, n° 13-82.645
Par un arrêt du 3 novembre 2015, la Cour de cassation a considéré que le directeur de publication d’un journal en ligne ne peut se disculper, en cas de publication de propos diffamatoires sur ledit espace de contributions personnelles, en alléguant ne pas avoir été informé personnellement desdits propos du fait de l’externalisation de la fonction de modérateur auprès d’un prestataire.
Les Faits
En l’espèce, le site internet lefigaro.fr a publié un article intitulé « Les militants MoDem pas opportunistes », et cet article a été commenté par des lecteurs via l’espace réservé aux contributions personnelles. Un président départemental du MoDem a estimé qu’un des commentaires publiés comportait des allégations diffamatoires et a activé la fonction de modération disponible sur ce site pour que ce commentaire soit supprimé. Malgré l’engagement pris par le service de modération, ce n’est que 18 jours plus tard, après relance, que le commentaire litigieux a été effectivement supprimé. Le président départemental du MoDem a porté plainte et s’est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier.
Les principes juridiques
Pour rappel, la loi dispose « lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message » (article 93-3 de la Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle).
Or le message diffamatoire n’a pas été retiré « promptement ». Le directeur de la publication a argumenté qu’il ne pouvait pas être responsable « personnellement » d’un retard dans le retrait du message diffamatoire, n’en ayant pas eu connaissance « personnellement », n’ayant pas été destinataire « personnellement » de la demande de retrait qui était adressé au prestataire auquel la modération a été sous traitée.
Les juges du fond ont considéré qu’il faut distinguer la situation du directeur de la publication d’un journal en ligne de celle d’un hébergeur dont l’activité essentielle consiste à stocker les données des utilisateurs pour les rendre disponibles au public. En effet pour ce dernier la LCEN prévoit qu’une notification préalable des éléments illicites lui soit adressée personnellement. Or, la loi applicable dans le cas présent n’impose pas une telle exigence de forme.
Les juges ont donc retenu la responsabilité pénale en qualité de directeur de la publication et déclaré sa culpabilité comme auteur principal du délit de diffamation envers un particulier.
Par son arrêt en date du 3 novembre 2015, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé la déclaration de culpabilité du directeur de la publication au motif que la cour d’appel avait fait l’exacte application du dernier alinéa de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 : « peu importe que lefigaro.fr ait externalisé la fonction de modération de son espace de contributions personnelles, son directeur de la publication reste pénalement responsable des propos diffamatoires qui n’ont pas été promptement retirés alors qu’ils avaient été signalés comme tel ». ***
Il est donc particulièrement important de s’assurer que tout service de modération externalisé fonctionne avec des niveaux de services adéquats (et donc des contrats solides) surtout dans le cas où le site en question ne peut pas bénéficier du régime plus favorable.
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