La directive communautaire n°85-374 du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux n’a pas été correctement transposée en France. A la suite de deux modifications de la loi, dont l’une intervenue récemment, la loi française (articles 1386-1 et suivants du Code civil) devrait enfin (on l’espère) être conforme au droit communautaire.
L’absence de franchise
Première erreur de transposition: l’omission d’une "franchise" minimale de 500€ pour obtenir réparation des dommages causés à un bien autre que le produit défectueux lui-même. Certains Etats membres ont transposé ce seuil comme une réelle franchise, c’est-à-dire que l’action en réparation d’un bien autre que le bien défectueux lui-même ne peut aboutir que si le montant des réparations est supérieur à 500€. D’autres Etats membres l’ont entendu comme une somme à déduire du montant des réparations allouées. C’est la différence en anglais entre "threshold" et "deductible" (la directive, en anglais, se réfère à "lower threshold"). La France a choisi, en adaptant l’article 1386-2 du Code civil par la loi du 9 décembre 2004, la solution la plus commune dans l’Union, savoir celle de la franchise.
Le seuil de 500€ a été fixé par décret du 11 février 2005.
La subsidiarité du régime de responsabilité
Deuxième erreur de transposition: le caractère subsidiaire de la responsabilité des intervenants situés en aval du producteur, par rapport à la responsabilité du producteur. Dans sa rédaction antérieure, l’article 1386-7 du code civil disposait que "le vendeur, le loueur, à l’exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité contre le producteur dans les mêmes conditions que le producteur". Suite à la condamnation de la France puis à l’adoption de la loi du 9 décembre 2004, l’article 1386-7 est désormais rédigé ainsi: "Le vendeur, le loueur (…) ou tout autre fournisseur professionnel n’est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur que si ce dernier demeure inconnu". La responsabilité sans faute du distributeur, vendeur ou fournisseur professionnel, quant au dommage causé par la chose ne peut être recherchée qu’à la condition que le fabriquant n’ait pas pu être identifié.
Restait évidemment une question: au bout de combien de temps l’absence d’identification du fabriquant permet-elle d’agir contre le distributeur, vendeur ou fournisseur professionnel ? L’absence de réponse légale à cette question a valu à la France une nouvelle condamnation … et une nouvelle loi modifiant l’article 1386-7.
Une loi du 5 avril 2006 est donc venue compléter l’article 1386-7: le distributeur, le vendeur ou le fournisseur professionnel est exonéré de cette responsabilité s’il désigne son propre fournisseur ou le producteur dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.
L’exonération en cas de risque de développement ou de conformité aux normes
Enfin, l’article 1386-12 du Code civil relatif aux hypothèses ne permettant pas au producteur d’invoquer les causes d’exonération prévues à l’article 1386-11 a également été modifié par la loi du 9 décembre 2004. Cette référence au respect d’une obligation de suivi par le producteur qui veut se prévaloir du risque de développement ou du respect de normes impératives pour s’exonérer a été supprimée, comme le lui demandait la Cour de justice .
Y a-t-il pour autant suppression de l’obligation de suivi?
Sûrement pas, mais cette obligation relève moins du régime de responsabilité des produits défectueux que de l’obligation générale de sécurité des produits (directive 2001/95). Il est d’ailleurs piquant de constater que ce que la loi de décembre 2004 a supprimé d’un côté, elle l’a ajouté de l’autre, puis que c’est justement cette même loi qui transpose la directive 2001/95 du 3 décembre 2001 "DGSP".
Avec tout ce travail de rédaction, condamnation, et re-rédaction, la loi française est-elle enfin conforme au droit communautaire? Même pas! La Cour de justice a condamné le régime légal autorisant la victime à se prévaloir "au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité" expressément prévu dans le Code civil français à l’article 1386-18 (système de cumul de régimes). Faut-il attendre une nouvelle condamnation de la France?
Visiblement oui…