La CCI s’est vue notamment reprocher un manquement à son propre Règlement d’arbitrage ainsi qu’une durée et des coûts excessifs de procédure.
Après avoir posé le principe de la responsabilité de la CCI « Il n’est pas contestable que la CCI est responsable des actes d’administration de la Cour internationale d’arbitrage, comme de son secrétariat », le TGI se prononce sur la question controversée de la version applicable du Règlement d’arbitrage.
Notons que dans cette affaire, les parties avaient signé une convention d’arbitrage en 1993 alors qu’était en vigueur le Règlement CCI de 1988 et qu’au jour de la demande d’arbitrage le Règlement en vigueur était celui de 1998.
Le tribunal énonce que la CCI «est en offre permanente de contracter. Ce contrat est matérialisé par le Règlement d’arbitrage en vigueur […] au jour de l’introduction effective d’une procédure d’arbitrage.».
Soulignons à l’instar d’un auteur , que cette position du tribunal semble valable dans la mesure où le Règlement de la CCI de 1998 énonce lui-même cette règle en son article 6 : « Lorsque les parties conviennent d’avoir recours à l’arbitrage d’après le Règlement, elles se soumettent au Règlement en vigueur à la date d’introduction de la procédure d’arbitrage, à moins qu’elles ne soient convenues de se soumettre au Règlement en vigueur à la date de leur convention d’arbitrage ».
En l’espèce le Règlement applicable était donc celui de 1998, lequel contient, contrairement au Règlement de 1988 un article 34 qui prévoit une exclusion de responsabilité particulièrement large, puisqu’elle couvre non seulement la Cour internationale d’arbitrage, ses membres, la CCI, son personnel et ses comités nationaux mais aussi les arbitres. D’où l’importance de la question de la version applicable !
Le tribunal ne remet pas en cause la validité de cette clause et énonce qu’elle « est licite en droit français par application de l’article 1150 du code civil, d’autant qu’elle est insérée dans un contrat international. » et qu’aucune faute assimilable au dol, qui pourrait en limiter l’application, n’est évoquée par la partie requérante.
Enfin, le TGI écarte la responsabilité contractuelle de la CCI quant aux coûts et délais de la procédure.
Le TGI de Paris souligne que les frais administratifs perçus par la CCI, les frais et honoraires des arbitres ont été fixés conformément au barème annexé au Règlement et énonce « ces frais et honoraires de l’arbitrage, déterminables d’emblée à la lecture du Règlement d’arbitrage, s’intègrent en tant que tels dans le contrat d’organisation de l’arbitrage ».
De même le tribunal écarte toute responsabilité de la CCI, quant aux honoraires des avocats, ceux-ci ayant été engagés par les parties elles-mêmes dans le cadre de leurs relations avec leurs conseils.
En ce qui concerne la durée de la procédure, le tribunal renvoie également au Règlement de la CCI qui prévoit que le délai de principe de 6 mois peut être allongé sur l’initiative du tribunal arbitral en concertation avec les parties.
Si dans cette affaire, la responsabilité de la CCI en tant que centre d’arbitrage n’est pas retenue, il ressort du jugement que malgré la clause exonératoire de responsabilité inclue dans le Règlement de 1998, elle pourrait dans un autre contexte voir sa responsabilité engagée en ce qui concerne les « actes d’administration de la Cour internationale d’arbitrage et de son secrétariat », comme l’énonce initialement le TGI.
On ne peut s’empêcher de réfléchir plus avant sur la portée et la validité de l’article 34 du Règlement exonératoire de la responsabilité, notamment celle des arbitres. En effet il existe bien deux contrats, entre les plaideurs et la CCI d’une part et les arbitres d’autres part. Dans la mesure où les parties une fois le tribunal constitué ont contracté directement avec des arbitres pour exercer une mission juridictionnelle, il en résulte une novation et un lien contractuel direct entre elles et les arbitres. Il n’est donc pas évident de conclure que l’article 34 du Règlement vaut exclusion de responsabilité des arbitres. D’autant qu’une clause exonératoire totale ne saurait être valable qu’entre professionnels du même secteur, ce qui n’est manifestement pas le cas entre des arbitres privés (qui n’en sont pas moins des juges) et des plaideurs.
Il en serait autrement chez les anglo-saxons. En effet, le droit américain confère une immunité quasi absolue à l’arbitre et au centre d’arbitrage, de même au Royaume-Uni où l’immunité est totale sauf en cas de fraude avérée.