Cass. Civ. 1ère, 15 mars 2017, n°15-27740

Dans cet arrêt récent, la Cour de cassation a pris soin de rappeler le champ d’application de l’article 1245-6 du Code civil permettant aux fournisseurs de produits dont la responsabilité est engagée de plein droit d’agir en justice contre les producteurs dans le délai d’un an à compter de leur citation en justice. La Cour rappelle ainsi que cette action n’est pas ouverte au producteur-fournisseur d’un produit défectueux qui souhaite agir en justice contre un producteur.

En l’espèce, une prothèse de hanche posée le 8 décembre 2002 s’est rompue deux ans plus tard. Après la conduite d’une expertise judiciaire, un accord amiable a été conclu entre la victime et le fabriquant-fournisseur. Dans le cadre d’une instance judiciaire, le fabriquant-fournisseur a également été condamné à verser diverses sommes à l’employeur de la victime. En parallèle, le fabriquant-fournisseur a assigné le producteur de la tête en céramique de la prothèse aux fins de le voir condamner à lui rembourser les sommes versées à la victime ainsi qu’à son employeur.

La cour d’appel a considéré que l’action du fabriquant-fournisseur était prescrite sur le fondement de l’article 1245-6 du Code civil.

Cet article permet en effet au fournisseur d’un produit défectueux dont la responsabilité de plein droit est recherchée d’assigner dans un délai d’un an à compter de sa citation en justice le producteur du produit litigieux. Ainsi, la cour d’appel relevant que le fabriquant-fournisseur avait été assigné en référé par la victime aux fins de voir désigner un expert judiciaire en 2006, il disposait d’une année à compter de cette date pour intenter un recours contre le producteur sur le fondement de l’article 1245-6 du Code civil. Faute d’avoir intenté son recours dans le délai imparti, son action contre le producteur était donc prescrite.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel sans cependant évoquer les délais de prescription. En effet, la Cour considère que les conditions d’application de l’article 1245-6 du Code civil applicable au recours du fournisseur contre le producteur n’étaient pas réunies, ce recours étant réservé « au fournisseur dont la responsabilité de plein droit a été engagée en raison du défaut d’identification du producteur » (nous soulignons).

Or, au cas particulier la cour d’appel avait relevé que le demandeur était également le fabriquant de la prothèse. Il en ressort dès lors que faute de revêtir la qualité de fournisseur, il ne pouvait fonder son recours sur l’article 1245-6 du Code civil.

La position de la Cour de cassation nous apparaît ainsi cohérente avec les principes applicables aux recours des producteurs de produits défectueux codifiés aux articles 1245-7 et 1245-10 du Code civil, mais également avec sa jurisprudence et, en particulier, son arrêt de principe rendu en 2014 selon lequel « le producteur du produit fini et celui de la partie composante sont solidairement responsables à l’égard de la victime, mais que, dans leurs rapports entre eux, la détermination de leur contribution respective à la dette ne relève pas du champ d’application de la directive [européenne 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985] et, notamment, des dispositions de l’article 1386-11 du code civil [article 1245-10 nouveau] » [1].
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[1] Cass civ 1ère 26 novembre 2014 n°13-18.819