« L’employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente, une différence de rémunération.»

Sortie de son contexte, cette règle exprimée par la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 avril dernier n’est pas surprenante et peut être envisagée comme la simple expression du principe désormais bien connu «à travail égal, salaire égal ».

Or, les faits à l’occasion desquels la Haute juridiction s’est exprimée retiennent l’attention puisque l’affaire qui lui était soumise concernait l’attribution d’une prime… discrétionnaire.

Dans l’affaire soumise à la Cour, un salarié, analyste financier, bénéficiait, comme ses collègues de travail, d’une prime variable, qualifiée par l’employeur, de « prime annuelle variable », et fixée discrétionnairement par celui-ci. Contrairement à ses collègues, ce salarié a vu sa prime diminuer d’année en année et être finalement supprimée par l’employeur. Licencié, il a saisi le conseil de prud’hommes en soutenant avoir été victime d’une discrimination.

La cour d’appel, fidèle à sa jurisprudence, a rejeté sa demande de paiement d’arriérés de primes au motif, d’une part, que le principe « à travail égal, salaire égal » ne pouvait trouver à s’appliquer en raison du caractère discrétionnaire non contesté de la prime et d’autre part, que le salarié ne prouvait nullement avoir été victime d’une discrimination salariale.

Cette décision est cassée par la Cour de cassation qui, après avoir rappelé qu’il appartenait à l’employeur d’établir que la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail était justifiée par des éléments objectifs et pertinents, a considéré que l’employeur ne pouvait opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à cette obligation…

Pourtant, selon une distinction admise depuis plus de vingt ans, une prime peut revêtir un caractère obligatoire ou discrétionnaire selon qu’elle trouve (ou non) sa source dans une obligation souscrite par l’employeur au travers d’un engagement de nature contractuelle, conventionnelle ou même unilatérale.

La Cour de cassation distinguait donc la prime à « caractère discrétionnaire », constituant une « gratification bénévole », et la prime, « élément du salaire » et soumise, en tant que telle, au régime juridique du salaire. On pouvait donc légitimement penser qu’une prime, dont le versement ne résulte d’aucun engagement préalable de l’employeur, pouvait être discrétionnaire quant à son montant.

Dans son arrêt du 30 avril dernier, la Haute juridiction semble sonner le glas des primes discrétionnaires et confirme la brèche qu’elle avait ouverte dès 2007 en jugeant, déjà sous le visa du « principe à travail égal, salaire égal », au sujet de primes discrétionnaires, que « si l’employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l’avantage ainsi accordé et que les règles déterminant l’octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables » (Cass. soc., 25 oct. 2007, n° 05-45710).

La prudence est donc, plus que jamais, de mise en matière de rémunération…