Le projet de nouvelle loi de finances rectificative pour 2011, consacré pour l’essentiel à la réforme de la fiscalité du patrimoine et présenté en Conseil des Ministres le 11 mai dernier, devrait amener les redevables les plus aisés à se repencher sur l’organisation de la détention et de la transmission de leur fortune.

Le noyau de cette réforme est sans conteste constitué par la suppression du bouclier fiscal instauré par la loi de finances pour 2006 et abaissé à 50% par la loi TEPA en 2007, avec pour corollaire la refonte de l’impôt de solidarité sur la fortune (« ISF »), lequel se voit non seulement simplifié mais indéniablement allégé.

A compter de 2012, les redevables seraient désormais imposés sur la totalité de leur patrimoine net (dès le premier euro, sous réserve de l’application d’une décote) au taux de 0,25% si celui-ci est situé entre 1.300.00€ et 3.000.000€ et 0,50% s’il excède 1.300.000€, alors que les taux du dispositif actuel s’échelonnent entre 0,55% et 1,80%.

Pour l’année 2011, le seuil d’imposition serait d’ores et déjà relevé à 1.300.000€, mais les redevables dont le patrimoine net atteint ce seuil resteraient assujettis selon les barèmes actuels à titre transitoire. D’un point de vue pratique, il est prévu que la date de dépôt de la déclaration d’ISF soit exceptionnellement reportée au 30 septembre 2011.

Le projet de loi assouplit en outre les conditions qui permettent aux redevables de bénéficier d’une exonération des biens nécessaires à l’exercice de leur activité professionnelle. Sont notamment visées par cet assouplissement l’appréciation du pourcentage minimum de participation dans des sociétés dans lesquelles le redevable exerce sa profession et les possibilités de cumuler l’exonération au titre des biens professionnels exonérés sur plusieurs entreprises ou participations.

En revanche, la fiscalité de la transmission du patrimoine se trouve fortement alourdie, là encore à contrepied des allègements dont elle avait bénéficié dans le cadre du paquet fiscal de la loi TEPA. Ainsi, il est prévu un relèvement de 5 points des deux dernières tranches du tarif des droits de succession et de donation, portant ainsi à 45% la tranche marginale, et la suppression des réductions de droits de donations qui s’appliquaient en deçà d’un certain âge du donateur en vue de favoriser la transmission anticipée du patrimoine à la génération suivante. Enfin, le projet de loi propose un retour à un rappel décennal des donations, alors que cette durée avait été portée à six ans à compter de 2006. Les biens professionnels sont toutefois là encore mieux traités, le projet prévoyant de simplifier les conditions permettant de bénéficier d’une exonération partielle de droits de mutation pour les transitions d’entreprises ou de sociétés familiales dans le cadre des engagements de conservation dits pactes Dutreil.
Source d’émoi hors de nos frontières et en particulier outre-manche, une taxe de 20% sur la valeur locative des résidences secondaires des non-résidents serait instaurée et remplacerait le dispositif d’impôt sur le revenu sur une base forfaitaire minimale liée à la valeur locative des immeubles possédés en France, lequel est corrélativement abrogé. On notera que la nouvelle taxe n’ayant pas les caractéristiques d’une imposition sur le revenu contrairement à l’imposition à laquelle elle se substitue, elle ne semble pas devoir bénéficier de la large protection conventionnelle dont cette dernière bénéficiait.

La réforme verrait également le retour de l’exit tax, c’est à dire l’imposition des plus-values latentes et en sursis lors du transfert du domicile fiscal hors de France, que le législateur avait supprimé depuis le 1er janvier 2005, prenant note d’une décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes de 2004 qui avait estimé qu’elle portait une atteinte à la liberté d’établissement non justifiée par la prévention de l’évasion fiscale. Afin de tenter d’éviter une nouvelle censure de la juridiction communautaire, le mécanisme proposé est assoupli par rapport à sa version antérieure en particulier lorsque le domicile est transféré dans un autre État de l’UE.

Enfin, le gouvernement saisit l’occasion de ce projet de réforme pour aborder un certain nombre de sujets plus techniques tels que le traitement des trusts au regard notamment des droits de mutation et de l’ISF ou l’imposition à l’ISF des comptes courant des redevables résidant hors de France dans les sociétés immobilières dont ils sont associés – par exception au principe général d’exonération des placements financiers des non-résidents – pour tenir compte du fait que le montant de ces avances réduit déjà par ailleurs la valeur soumise à l’imposition sur la fortune des parts desdites sociétés.