Plus de huit cent pages de règlement, plus de deux cent pages d’annexes explicatives et, enfin, pas loin d’un millier de pages de lignes directrices à destination des industriels qui se font attendre (les fameuses « RIPS » qu’il ne faut confondre ni avec les travers de porcs made in USA ou « ribs », ni avec la formule tombale consacrée RIP – requiescat in pace): Il s’agit là du nouveau règlement européen REACH qui est entré en vigueur le 1er juin dernier et dont nous faisions déjà état dans notre précédent numéro.

Ce règlement fonde un nouveau système d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des substances chimiques fabriquées ou importées dans l’Union européenne, dans des volumes dépassant une tonne par an. Il vise tant à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, qu’à garantir la libre circulation des substances concernées dans le marché intérieur en réglementant leur fabrication, leur mise sur le marché et leur utilisation ; le tout reposant sur le principe de précaution.

Tous les secteurs sont concernés par ce nouveau règlement. Cela s’étend des textiles jusqu’aux automobiles, en passant par les jouets, les matériaux de construction, l’informatique ou encore les aliments, les médicaments, les cosmétiques, les produits d’entretien, etc.

Jusqu’alors, les fabricants et les importateurs n’étaient responsables que de la fourniture des données sur les propriétés des substances chimiques, tandis que les États membres étaient responsables de l’évaluation des risques.

Une présomption de dangerosité

Avec cette nouvelle réglementation, les fabricants et les importateurs deviennent les responsables de l’évaluation des risques pour des usages identifiés. En d’autres termes, ce règlement opère un véritable renversement de la charge de la preuve, puisqu’il incombe désormais aux fabricants et importateurs d’apporter la preuve de l’innocuité de leurs produits – ceux-ci étant par nature dès lors présumés dangereux pour le consommateur – grâce à la réalisation de tests étayant leur démonstration.

Cette réglementation est d’autant plus pesante que les opérateurs concernés restent soumis aux directives existantes et ce, en attendant que REACH couvre la totalité des dispositions en vigueur .

Ce règlement prévoit également un nouveau système d’information plus contraignant :

• d’une part, les fabricants et importateurs auront l’obligation d’informer les consommateurs, sur demande de ces derniers, de la présence ou l’absence de substances dans leurs produits et ce, par écrit dans un délai de 45 jours,

• d’autre part, les « utilisateurs en aval » devront informer leurs fournisseurs des utilisations et destinations finales de leurs produits (usages qu’ils souhaitent faire des substances).

Une entrée en vigueur échelonnée

Le règlement instaure une mise en œuvre progressive sur 11 ans, en fonction du tonnage des substances et/ou de leur classification. D’ici 2018, l’objectif est l’enregistrement de toutes les substances chimiques circulant sur le territoire de l’Union européenne. Cela représenterait plus de 30.000 molécules différentes !

Sans entrer dans le détail des deux mille pages de réglementation, voici les principales modalités d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation prévues par le texte :

1. Le pré-enregistrement et l’enregistrement :

Le règlement pose deux principes fondamentaux :

• « Une substance, un enregistrement »
• « Pas de données, pas de marché »

En d’autres termes, chaque substance doit faire l’objet d’un enregistrement. C’est pourquoi, il est intéressant de noter que les fabricants et importateurs ont la possibilité de former des consortiums dans le but de partager les coûts importants qu’implique la déclaration, notamment pour les frais de tests et de recherche.

Le second principe signifie quant à lui que des substances ne peuvent être fabriquées ou mises sur le marché de l’Union sans avoir été préalablement enregistrées.

Pour bénéficier des délais d’enregistrement (ci-dessous), les substances concernées doivent impérativement être pré-enregistrées auprès de l’Agence européenne entre le 1er juin et le 31 décembre 2008.

Après ce pré-enregistrement, les substances bénéficieront des délais suivants pour être enregistrées, selon leur classification ou leur tonnage :

31/12/2010

– Pour les substances produites à plus de 1000 tonnes par an.
– Pour les substances « hautement préoccupantes ». Cela concerne :

o Les substances toxiques pour les milieux aquatiques produites à plus de 100 tonnes.
o Les substances cancérigènes mutagènes et reprotoxiques, dites « CMR », peu important leur tonnage.

31/12/2013

Pour les substances produites à plus de 100 tonnes

31/12/2018

Pour les substances produites à moins de 100 tonnes.

2. L’évaluation :

Les autorités des États membres (l’AFSSET et le BERPC pour la France) assumeront la responsabilité de l’évaluation des substances enregistrées et devront prendre en compte l’impact socio-économique des produits. Leur recommandation sera ensuite relayée à l’Agence européenne (the European Chemicals Agency). Créée à Helsinki, cette agence a pour mission principale de vérifier que les dossiers sont complets, de créer une liste des substances enregistrées et de déterminer celles dont la toxicité doit être étudiée de plus près.

3. L’autorisation :

Les substances soumises à autorisation préalable, au titre de l’annexe XIV du règlement, sont de trois types :

• celles répondant aux critères de classification de la directive n° 67/548 comme substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction,
• celles qui sont persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes ou bioaccumulables conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII du règlement,
• et, enfin, celles qui peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement, qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent, selon l’article 57 du règlement.

La substance en question pourra alors être interdite ou autorisée, avec certaines restrictions, portant notamment sur les conditions de fabrication. Le fabricant ou l’importateur devra, le cas échéant, fournir une analyse des solutions alternatives incluant des informations sur ses activités R&D, voire un véritable plan de substitution.
Les demandes d’autorisation doivent être adressées à l’Agence européenne. Toutefois, c’est à la Commission, assistée d’un comité consultatif, que reviendra le rôle de prendre les décisions d’autorisation.

Ce règlement a suscité de nombreuses controverses, notamment quant à sa réelle motivation. S’il est en effet incontestable qu’il concilie des impératifs d’ordre environnemental, social et économique, au bénéfice des consommateurs, des travailleurs en industrie et des utilisateurs professionnels, il est toutefois légitime de se demander si l’industrie ne va pas en souffrir sérieusement, au regard des coûts que sa mise en œuvre implique. Les PME, en particulier, auront des difficultés à faire face à ces nouvelles procédures.