Projet de loi de ratification du protocole n° 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Début février, la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité le projet de loi de ratification du protocole n° 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le protocole met en place un mécanisme facultatif de consultation de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) par les « hautes juridictions nationales » et devrait prochainement entrer en vigueur.

La France se montre plutôt favorable à ce mécanisme. À l’instar du Conseil constitutionnel,[2] le rapport Poletti.[1] souligne également que ce mécanisme aurait été particulièrement apprécié pour les arrêts de la Cour de cassation de 2010 sur la garde à vue, celui de 2011 sur la retranscription d’état civil des enfants nés de GPA à l’étranger ou encore les arrêts du Conseil d’État sur les libertés syndicales dans l’armée ; les décisions de la CEDH sur ces sujets s’éloignant des arrêts des hautes juridictions françaises.
En France, seules les hautes juridictions pourront solliciter un tel avis, i.e. :

  • la Cour de cassation ;
  • le Conseil d’État ; et
  • le Conseil Constitutionnel.

À l’inverse de la question préjudicielle de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la saisine de la CEDH pour obtenir un avis facultatif sera à la discrétion des hautes juridictions qui pourront refuser d’interroger la CEDH.

Par ailleurs la demande d’avis ne pourra être formulée qu’à l’occasion d’un litige pendant devant l’une des hautes juridictions françaises.[3] Il ne s’agit donc pas d’un examen in abstracto mais in concreto, la demande devra d’ailleurs préciser le contexte juridique et factuel de l’affaire.[4]

La demande d’avis consultatif devra porter sur des « questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles »[5]. Il s’agira, en particulier, des situations dans lesquelles « l’affaire soulève une question relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses protocoles ou encore une question grave de caractère général ».[6]

La recevabilité de la demande d’avis devra être étudiée par le collège de la Grande chambre de la CEDH, qui devra, en cas d’irrecevabilité motiver sa décision.[7] En cas de recevabilité, la Grande chambre rendra un avis motivé.

Si le protocole ne prévoit aucun délai d’examen, les demandes d’avis bénéficieront d’un traitement prioritaire afin d’éviter comme le remarque le rapport Poletti, des délais excessifs pouvant avoir un effet dissuasif sur ce mécanisme.

L’État dont relève la juridiction sollicitant l’avis pourra formuler des observations écrites à la CEDH. Cependant, le nouveau règlement de la CEDH devrait permettre au Président d’inviter les parties à fournir des observations. L’avis sera ensuite adressé à la juridiction demanderesse ainsi qu’à l’État membre dont elle relève.[8]

L’avis devra être publié par l’État membre mais n’aura pas de caractère contraignant[[9]]url:#_ftn9 . Toutefois, il semblerait curieux qu’une juridiction demanderesse ne suive pas l’avis de la CEDH et ce d’autant plus que l’avis sollicité par la haute juridiction nationale ne privera pas les parties à l’instance de leur recours individuel devant la CEDH.
Contact : stephanie.simon@squirepb.com

 


[1] www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/actualites/2017/protocole-n-16-a-la-convention-europeenne-de-sauvegarde-des-droits-de-l-homme-et-des-libertes-fondamentales.150445.html.

[2]Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole n° 16 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par Mme Bérengère Poletti enregistré le 7 février 2018 ; Crim., 19 octobre 2010, n° 10-82.902, Bull. crim n° 164 et n° 15-85.051, Bull. Crim. N° 165 ; Ass. Plén., 15 avril 2011, n° 10-17.049, n° 10-30.313 et n°10-30.316, Bull. crim. 2011, Ass. Plén., n° 1, 3 et 4.
[3]Article 1er para. 2 du protocole.
[4] Article 1er para. 3 du protocole.
[5] Article 1er para. 1 du protocole.
[6] Rapport explicatif relatif au protocole.
[7] Article 2 du protocole.
[8] Articles 3 et 4 du protocole.
[9] Article 5 du protocole.