Un récent arrêt de la Cour de cassation nous interpelle sur une question que l’on se pose peu : le rôle et la place de la signature dans les
contrats.
Cass. Com., 9 mai 2018, n°16-28.157
L’article 1367 du Code civil[1] dispose que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte ».
Trois enseignements peuvent être tirés de cet article relativement aux contrats :
1- Un contrat ne peut être valide en l’absence de la signature des contractants ;
2- La signature identifie les contractants ; et
3- La signature manifeste le consentement des contractants aux obligations qui découlent de ce contrat.
Néanmoins une question reste non traitée par le législateur. Lorsqu’un même contractant intervient à un contrat au titre de plusieurs qualités différentes, c’est-à-dire pour plusieurs parties au contrat, ce contractant doit-il apposer autant de signatures qu’il a de qualités ?
Il s’agissait en l’espèce d’un contrat d’entretien conclu entre une société exploitant un terrain de golf et une société de jardinage. La particularité réside dans le fait qu’un associé de la société exploitant le terrain de golf est intervenu à l’acte tant en son nom personnel qu’au nom de la société. Il s’est engagé à régler les factures impayées de la société exploitant le terrain de golf dues à la société de jardinage. D’ailleurs, le contrat mentionnait expressément que l’associé concerné agissait « tant en son nom personnel qu’au compte de la société ».
Alors que la société exploitant le terrain de golf a été mise en liquidation judiciaire, la société de jardinage a assigné en paiement l’associé de la première société.
Dans cette affaire la cour d’appel a débouté la société de jardinage de sa demande en paiement.[2] Elle a considéré que l’associé de la société exploitant le terrain de golf « n’a pas la qualité de contractant dès lors qu’il n’est pas signataire de ce contrat à titre personnel, peu important à cet égard qu’en tête du contrat figure la mention ‘monsieur YX tant en son nom personnel qu’au nom de la société’ qui ne peut à elle seule en l’absence de signature lui conférer la qualité de contractant ».
La cour d’appel fait une application stricte des deuxième et troisième enseignements visés ci-dessus. Au regard du deuxième enseignement, l’associé concerné n’ayant pas signé à titre personnel, il n’est pas contractant à titre personnel et au regard du troisième enseignement, celui-ci n’a pas consenti aux obligations qui découlent de ce contrat.
Néanmoins, ce n’est pas la solution retenue par la Cour de cassation. Selon elle, « la double qualité en laquelle intervient le signataire d’un acte juridique, d’une part à titre personnel et, d’autre part, en qualité de représentant d’un tiers, n’impose pas la nécessité d’une double signature comme condition de validité de cet acte ».
Faut-il retenir de cet arrêt qu’une seule signature peut emporter les consentements et les engagements de plusieurs parties lorsque le signataire dispose de la qualité pour représenter ces parties ?
La réponse est nuancée. Certains rappelleront qu’en matière contractuelle, le principe du consensualisme est roi, ainsi, en l’absence de disposition législative expresse, libre au signataire de ne signer qu’une seule fois malgré ses multiples qualités. D’autres insisteront sur la casuistique de cet arrêt, laquelle formerait un obstacle à la généralisation de la solution ici apportée par la Haute Cour. Pour ces derniers, si la Cour de cassation admet qu’un contractant puisse valablement n’apposer qu’une seule signature en dépit de sa double qualité au contrat, c’est précisément en raison du fait qu’une stipulation contractuelle mentionnait cette double qualité.
Le débat reste ouvert dans l’attente d’une réponse plus tranchée de la Cour de cassation. Prudence étant mère de sûreté, il conviendra aux contractants d’apposer autant de signatures qu’ils ont de qualités.