C’est à l’occasion d’une campagne publicitaire réalisée par la SNCF, qui s’est déroulée sur une courte période (en moyenne 10 jours) que le conflit est né. Trois messages vantaient les mérites du TGV pour les déplacements professionnels sur trois destinations entre Paris et Marseille, Montpellier et Bordeaux, par comparaison avec l’avion.
Ces messages mettaient en scène des personnages réunis en association d’aide aux victimes des déboires du transport aérien, où tous se plaignaient des retards, de la fatigue et du stress occasionnés par les défaillances de ce moyen de transport. Cette publicité s’adressait à un public de professionnels et soulignait un état de fatigue nerveuse extrême, de mauvaises prestations professionnelles, des retards ou encore des contraintes administratives, tous dus à l’utilisation de l’avion. Le slogan concluait d’ailleurs : « TGV : tout autre choix ne serait pas très professionnel. Et vous, quand est-ce que vous vous mettez au TGV ? ».
Air France s’est sentie directement visée et a estimé faire l’objet d’une publicité comparative dénigrante. La compagnie aérienne a assigné la SNCF devant le Tribunal de commerce de Paris. Le jugement du 10 août 2005, l’ayant déboutée de la totalité de ses demandes, Air France a donc interjeté appel, en se fondant sur le caractère dénigrant des messages et sur l’existence d’une comparaison implicite mais évidente avec Air France.
Alors que les publicités ne mentionnaient pas expressément Air France, la Cour d’appel a considéré qu’en raison de la part prépondérante d’Air France sur le marché du transport aérien hexagonal, ainsi que de l’habitude des professionnels d’utiliser cette compagnie, il était permis de conclure à l’identification effective d’Air France. Les juges ont en effet relevé que les messages émanaient « d’une entreprise concurrente, exerçant son activité dans le même secteur des transports de passagers ».
Ici, malgré le ton caricatural et humoristique, les termes « outranciers » ont justifié la condamnation de la SNCF.
Rappelons que la "publicité comparative" a été autorisée par la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs introduite dans le Code de la consommation aux articles L.121-8 et suivants. D’abord critiquée comme une pratique potentielle déloyale de concurrence et un moyen de dénigrement, la publicité comparative a ensuite été acceptée en tant que moyen d’information du consommateur.
En ce qui concerne plus particulièrement la publicité dénigrante, l’article L.121-9, 3 dispose que : « La publicité comparative ne peut :[..]3° entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d’un concurrent ».
La jurisprudence traitant de la publicité comparative est factuelle et évolutive. Elle est loin d’être figée et comporte une certaine marge de manœuvre pour trouver la bonne solution à chaque situation. Toujours est-il que cet arrêt du 28 septembre applique strictement les dispositions de l’article L.121-8 du Code de la consommation, qui prévoit les cas de publicité comparative implicite, sans mention expresse de la société concurrente visée.