Cass. Civ. 1 5 novembre 2005, n°02-21.366

La société North Sports avait conclu avec Mlle X, véliplanchiste, un contrat de parrainage d’une durée de trois ans « renouvelable par tacite reconduction ». Après l’échéance de la période triennale, les parties se sont rapprochées pour convenir des termes applicables à la poursuite de leur collaboration. Les négociations échouant, la société a notifié à la sportive la résiliation du contrat à l’échéance convenue. Cette dernière a alors poursuivi son sponsor pour rupture abusive, estimant que le contrat avait été « tacitement reconduit » pour une nouvelle période de trois ans.

Se posait donc la question de savoir si le contrat s’était poursuivi pour une durée indéterminée ou pour une nouvelle durée fixe de trois années. En d’autres termes, le renouvellement par tacite reconduction d’un contrat à durée déterminée emporte-il (sauf accord particulier) un nouveau contrat d’une durée identique à la période initiale ou la poursuite du contrat initial pendant une durée indéterminée.

C’était là l’occasion rêvée pour la Cour de cassation de mettre un peu d’ordre dans l’interprétation de termes très usités en droit des contrats, et dont le sens est rarement compris de la même façon par les rédacteurs de contrats. La Cour semble avoir compris l’enjeu de la question, puisque la décision a été publiée au Bulletin civil, mais elle est malheureusement passée à coté de la réponse, celle-ci ajoutant encore aux doutes actuels.

Avant de relater la décision, rappelons ce qu’entendait traditionnellement la doctrine à propos de ces trois expressions juridiques.

La prorogation de contrat correspond simplement à l’allongement conventionnel de la durée d’un contrat à durée déterminée. La prorogation doit donc être prévue par avenant, lequel détermine la nouvelle échéance du contrat et, le cas échéant, de nouvelles modalités juridiques.

Le terme « renouvellement » vient du latin novus ou novellus (nouveau). Il s’agit d’un nouveau contrat dont le contenu peut être différent ou non du contrat initial. Le renouvellement peut être tacite ou exprès tant que son principe est prévu par un accord exprès des parties, notamment dans le contrat initial.

Quant à la reconduction, elle correspond davantage à un « fait juridique » plutôt qu’à un « acte juridique ». Bien que la reconduction puisse être prévue au contrat, il y a le plus souvent reconduction lorsque rien n’était prévu dans le contrat initial et que les parties ont entretenu leurs relations contractuelles au-delà du terme convenu. A la différence du renouvellement, il n’y a donc pas établissement d’une nouvelle relation, mais « continuation » volontaire de l’application des termes du contrat. Il y a donc juridiquement « nouveau contrat » mais pas « contrat nouveau », les stipulations du contrat initial perdurant dans le temps.

Le contrat « renouvelable par tacite reconduction »

Le contrat soumis à l’appréciation de la Cour de cassation était « renouvelable par tacite reconduction ». Les concepts de renouvellement et de reconduction étant confondus, on aurait pu penser que la Cour procéderait avec circonspection à la qualification à retenir. Il n’en a rien été, la Cour ne se penche que sur la tacite reconduction et ne retient aucune conséquence à l’emploi du terme « renouvelable ». Exit donc le renouvellement, seule la reconduction étant ici retenue.

Si la Cour de cassation avait souhaité distinguer les régimes du renouvellement et de la reconduction, elle aurait déduit de la définition du renouvellement que le nouveau contrat, dont aucune durée n’a été spécifiée, est à durée indéterminée. Au contraire, les termes du contrat initial continuant à s’appliquer après la reconduction, l’absence de résiliation du contrat à son échéance triennale conduisait à la création d’un nouveau contrat d’une durée également triennale.

Or, celle-ci a considéré dans sa décision du 15 novembre 2005 que « la tacite reconduction d’un contrat à durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée et dont les éléments ne sont pas nécessairement identiques ».

Quelle différence entre le renouvellement et la reconduction? Aucune! Dés lors qu’un contrat prévoit simplement le principe de sa reconduction ou de son renouvellement, sans spécifier la durée de ses effets, le contrat devient à durée indéterminée, et peut donc être résilié à tout moment par l’une des parties, sous réserve d’un préavis « raisonnable ».

Quelle différence entre un contrat à durée déterminée prévoyant la possibilité de sa continuation tacite, et un contrat ne contenant aucune disposition relative à son existence postérieure à son échéance? Aucune non plus! Dans les deux cas, les parties seront liées pour une durée indéterminée, cela minimisant les engagements, et donc les risques…

Définir une reconduction « sur mesure »

On retiendra de cette décision qu’il ne faut pas compter sur la Cour de cassation, et les tribunaux en général, pour définir le sens de certains termes juridiques utilisés dans les contrats. C’est aux parties de définir elles-mêmes ce qu’elles entendent dans les termes qu’elles utilisent. Cela n’implique pas de prévoir spécialement la définition du mot employé, mais d’être extrêmement clair quant aux modalités d’application du système choisi. On se rapproche ainsi de la technique contractuelle anglo-saxonne.

  • Il doit d’abord être stipulé si la « continuation » (pour utiliser un terme neutre) du contrat peut être tacite, ou si elle doit faire l’objet d’un engagement formel des parties.
  • Ensuite, il convient de préciser si cette « continuation » est subordonnée à un nouvel accord des parties sur certaines conditions contractuelles (notamment financières).
  • Enfin, le contrat initial doit préciser la durée des effets de cette continuation: nouvelle période à durée déterminée (quelle durée?) ou période à durée indéterminée. Dans ce dernier cas, le contrat devrait également prévoir les modalités de résiliation.

A vous de méditer et tirer l’enseignement de cette jurisprudence.